Adios Amores, Sus Mejores Canciones (Ground Control / Snap! Clap! Club)

Adios Amores, Sus Mejores CancionesIl y a quelques semaines, je dévorais le livre de JD Beauvallet, Passeur, un livre qui ne parle pas qu’aux mélomanes avertis ou aux lecteurs des Inrocks, mais un livre qui parle à tous ceux qui ont une passion chevillée au corps et un besoin irrépressible de la partager. C’est un beau livre, un livre que l’on a envie de relire, d’offrir, de faire lire – et j’aimerais que ma fille le lise, cet été peut-être. C’est un beau livre dont même le titre est parfait : Passeur. J’en étais même un peu jaloux parce ce mot-là, je l’ai souvent utilisé pour tenter d’expliquer ce que je faisais au quotidien – je suis assez adepte de l’allégorie sportive (à chacun ses faiblesses) – et que j’utilise même aujourd’hui quand on me fait remarquer le fossé qui existe entre ma vie d’avant et ma vie d’aujourd’hui : je réponds le plus souvent qu’il n’y a pas tant de différences que cela en fait, que c’est ça que je reste, un passeur…

Adios Amores
Adios Amores

L’une des grandes chances que j’ai eue toutes ces années, c’est de rencontrer un nombre incalculable de passeurs – de passeuses aussi, bien sûr. De gens qui prenaient sans doute plus de plaisir à offrir qu’à recevoir – ou au moins autant –, qui détestaient les chapelles et prônaient un œcuménisme culturel, un melting-pot musical, littéraire, cinématographique. Des gens qui ont influencé mes gouts, mes coups de cœur, mes passions – et forcément, chamboulé mon quotidien. Parmi eux, il y a Joan Vich. Un ami – de ceux dont on sait que ce sera pour la vie –, un natif de Majorque rencontré à Madrid peu après le mitan des années 1990. Aujourd’hui, ce garçon qui ne vieillit pas est l’un des membres éminents de Ground Control, une agence de management madrilène – il publie également ces jours-ci Aquí Vivía Yo, un livre sur ses vingt-cinq années passées au Festival International de Benicàssim, alias FIB, et j’ai hâte de le lire – et par ce biais-là, il est le responsable de trois de mes coups de cœur musicaux de ces dernières années. Hasard, coïncidence, il s’agit de trois groupes exclusivement espagnols et féminins : Hinds – qui a écrit la chanson imparable quand vous êtes à peu près au fond du trou, Good Bad Times –, Melenas – qui imaginent des mélodies qui filent toujours le sourire – et Adios Amores (oui, je sais, il était temps d’en venir au fait).

Des faits donc. Elles se prénomment Ana et Iman, sont Andalouses (enfin, si j’ai bien compris), sont accompagnées souvent par un homme de l’ombre (le dénommé Guille Briales), ont sorti leur premier single vinyle il y a déjà deux ans et comptent parmi leurs fans l’übercool Stephen Pastel. Sur scène, elles restent deux, guitares et claviers, quelques bandes pour les arrangements et les rythmiques. Les arrangements ? Tout ce qui leur passe par la tête. Des riffs qui envoient le bois, des castagnettes perdues dans un couplet qui étourdit, une douce mélancolie, une pointe d’humour désabusé, des chœurs à reprendre en cœur, des refrains qui finissent souvent par trotter dans la tête. Autant d’arguments qui ont d’ailleurs convaincu La Femme d’accueillir ses deux femmes lors de quelques premières parties françaises.

Avec son titre parfait – “leurs meilleures chansons” en VF, ce qui entre nous est assez bien vu, étant donné qu’elles n’en ont pas d’autres –, Sus Mejores Canciones n’est pas à proprement parler un premier album, mais compile les différents 45 tours vinyle que le duo a réalisé jusqu’à présent. Et il est la parfaite introduction à cet univers coloré et facétieux, judicieusement illustré par une peinture de Ana De La Cuadra, responsable de toutes les pochettes du groupe jusqu’à présent. Il y a l’impétuosité de La Fuente, ses envolées presque ska et ses cuivres qui jubilent, il y a la fausse ingénuité de Charlotte, qui a l’élégance naturelle des classiques – et c’est précisément à ce moment de l’histoire que je pourrais reparler de toutes ces chansons qui portent comme titre un prénom féminin et finissent toujours par faire mouche, allez savoir pourquoi ; il y a la mélancolie de Doce Navajas, ses arpèges qui scintillent, son synthé chafouin, il y a l’intro électro et les airs arabisants de Noche Iluminada, bande originale parfaite pour Mille Et Une Nuits imaginaires. Il y a la guouaille de la jeunesse, la désinvolture de celles qui n’ont pas d’ornière, l’envie de se dire (à raison) que tout est permis ; il y a des images de Séville, de Madrid, d’Altea, de San Sebastian, de Barcelone, de Vigo, de Palma, de Valence, d’écumes, de galets, de draps froissés et de terrasses abandonnées, de sable en feu et de ciel bleu… Il y a ici et là des clins d’œil à la pop yé-yé, à la pop psyché ; il y a parfois cette merveilleuse sensation que Jeanette reprend les succès de Françoise Hardy, en particulier sur cette nouvelle chanson joliment placée en ouverture, Sol De Ayer, hymne haïku au désamour, la bande-son de futurs étés passés à siroter Spritz et Campari, Patxaran et Rosé limé, avec l’océan comme seul horizon et le sel dans les cheveux comme seul compagnon… Adios Amores ? Bonjour tendresse.


Sus Mejores Canciones par Adios Amores est disponible chez Ground Control / Snap! Clap! Club.

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