Adam Green, That Fucking Feeling (Average Cabbage Records)

Si Adam Green n’avait pu assurer la promotion d’Engine of Paradise, son très bon disque paru en 2019, en raison de la pandémie, il a enfin pu prendre sa revanche avec une tournée européenne qui vient de se terminer en mai dernier. Lors de son passage à Lyon et à Paris, les fans français du crooner anti-folk new-yorkais n’auront pas boudé leur plaisir de voir leur héros danser sur scène comme un beau diable, faire des checks à tous les spectateurs du premier rang ou raconter des anecdotes désopilantes, heureux d’être là et d’une rare générosité avec le public. Adam Green et son impeccable backing band auront surtout régalé le public de pléthore de tubes inoxydables comme Bluebirds, Jessica, Cigarette Burns Forever, sans oublier bien l’hymne absolu Dance With Me ou NYC’s Like a Graveyard des mythiques Moldy Peaches. Mais, en plus de cette ribambelle de classiques, Adam Green aura parsemé son set de plusieurs excellents nouveaux titres, issus de That Fucking Feeling, un mini-album de vingt minutes, que les fans ont eu la bonne surprise de découvrir au stand de merchandising. Certes, il faut être sacrément gonflé pour qualifier un opus aussi court d’ « album » – d’autant plus que certains titres sont en réalité des versions acoustiques des chansons orchestrées figurant au début du disque -, mais la qualité et l’inspiration sont là, si bien qu’on pardonne à Adam Green sa flemme légendaire.

Adam Green
Adam Green

Deux titres sortent du lot. D’abord, le superbe Black Out avec lequel commence le disque et qui figurait également en tête de la setlist de la dernière tournée, chanson légère et gracieuse, qui montre encore une fois la facilité déconcertante avec laquelle Adam Green parvient à dénicher des mélodies parfaites, amenées à vous hanter pendant des jours. Le pont de la chanson et les chœurs (volontairement outrés) qui suivent, évoquent inévitablement Leonard Cohen, et on ne peut par ailleurs qu’adhérer à la présence de cloches spectoriennes sur le couplet. Comme souvent chez Adam Green, il arrive que les textes soient aussi cryptiques que ceux de Pavement, mais on est ici dans la poésie, où le son des mots a finalement autant d’importance – sinon plus – que leur sens.

La chanson Dreidels of Fire, hilarante satire de l’Ancien Testament dans laquelle Adam Green se moque des récits miraculeux de la Bible (How the fuck do you explain that shit ?), rappelle les saillies sarcastiques d’un Woody Allen contre la bigoterie de sa communauté d’origine, et s’impose comme le deuxième grand moment du disque. On se réjouira notamment de la construction audacieuse de la chanson, de son refrain aérien à la mélodie imparable, qui débouche sur un yeah guttural des plus stylés. On notera aussi la finesse des arrangements de cordes dont l’ex-Moldy Peaches, en bon fan de Scott Walker, a toujours raffolé.

Les plus apaisés That Fucking Feeling, Bitter Hearts ou Little Failure – des ballades à la tonalité un peu plus mélancolique mais habitées par un charme singulier -, montrent une autre facette de la psyché d’Adam Green, un peu plus sérieuse mais jamais ennuyeuse. On peut aussi mentionner l’existence d’une reprise de All Hell Breaks Loose des Misfits dans une improbable version qui mélange arrangement Kletzmer et orchestrations à la Ennio Morricone. On ne saurait non plus trop recommander l’écoute de What’s her face – titre aux arrangements riches et où Adam Green pose particulièrement élégamment sa voix de baryton -, qui confirme une fois de plus le talent de songwriter d’Adam Green. Certes, on est forcément quelque peu frustré de n’avoir pas eu droit a un album plus long, mais on se réjouit néanmoins de l’existence de ce disque bien ouvragé, sur lequel Adam Green semble tout aussi inspiré qu’à ses débuts, après pourtant presque vingt-cinq ans de musique derrière lui. De quoi laisser espérer de beaux lendemains.


That Fucking Feeling par Adam Green est disponible sur Average Cabbage Records.

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