A la fin tu es las de ce monde ancien.
Parce que,
tu le sais,
tout finit.
L’enfance, ce monde immense, les premiers regards, l’intensité des débuts, les caresses parentales, les genoux écorchés, les bonbons qui collent aux doigts, la langue qui pique, les paysages nourriciers, les ritournelles qu’on se chante lorsqu’on a peur, les poésies apprises par cœur, les cabanes dans les branches, les cheveux en bataille, le bazar dans la chambre, les super héros qui protègent, la pensée magique, la contemplation infinie du ciel, les souvenirs d’un cœur qui cogne souvent trop fort, les herbes hautes, les habitudes rassurantes, le bourdonnement des insectes, les rêves qui serrent le ventre, la musique des jouets qu’on tire derrière soi, l’insouciance galopante, les orages qu’on cache sous une couverture tremblante, la musique qui fait danser, la tête qui tourne, la sensation d’être si petit et en même temps si grand, les mensonges pas trop graves, les monstres et les chimères, la douceur des premiers moments, la joie d’avoir vécu l’enfance et de l’avoir tenue dans ses bras, cet état de grâce qu’on ne mesure pas.
Tout finit.
Tu le sais.
La personne qu’on a été cède la place à celle qu’on devient.
A la fin tu es las de ce monde ancien.
Il glisse comme du sable entre tes mains et dessine un autre espace.
Tu regardes en face ce monde-là.
Tu en es encore le roi.
(A la fin tu es las de ce monde ancien, premier vers de Zone, de Guillaume Apollinaire).