The Explorers Club, The Explorers Club/To Sing And Be Born Again (Goldstar Recordings)

The Explorers : To Sing And Be Born Again / The Explorers Club

Que reste-t-il à explorer quand tout est déjà découvert ou presque, qu’il faut, d’une manière ou d’une autre, renoncer au frisson de l’inconnu ? Depuis douze ans déjà, Jason Brewer – seul membre permanent de ce Club fondé par ses propres soins – n’a eu de cesse de défricher pied à pied les recoins les plus inaccessibles d’un territoire musical pourtant archi-fréquenté, consacrant comme bon nombre de ses confrères son attention passionnée au patrimoine rebattu de la pop de la deuxième partie des années 1960 en général et des Beach Boys en particulier. Ces quatrième et cinquième albums publiés simultanément présentent sans doute la version la plus accomplie de son obsession jusqu’au-boutiste pour une qualité esthétique d’un autre âge, de cette fascination communicative pour les mélodies radieuses et les arrangements ultra-solaires.

LE studio.

Le succès de cette entreprise réside essentiellement dans la capacité de Brewer à reléguer son savoir-faire – remarquable au demeurant, ainsi que celui de tous ses accompagnateurs – au second plan pour mieux attirer l’attention de l’auditeur sur l’exubérance et la profusion de ses compositions qui surpassent même parfois de ce point de vue les originaux. Cet art magistral de l’illusion – à ne jamais confondre avec l’exhibition du faux-semblant – est pratiqué ici sans la moindre trace de distance ironique ou de demi-mesure : les intentions sont toujours menées jusqu’à leur terme, le plus radical soit-il. Les ponts sont de véritables ponts, comme on n’en fait plus ou trop rarement. Les cordes sonnent comme de vraies cordes et les cuivres retrouvent, dans les studios Columbia de Nashville où Brewer réside désormais, l’éclat d’une fanfare pimpante. C’est ainsi qu’est restitué la touche indispensable de fraîcheur presque naïve qui contribuait autrefois au charme inaltérable des œuvres de The Association ou The Fifth Dimension auxquelles on songe souvent à l’écoute de Say You Will ou Look To The Horizon.

Souvent cosignées par Emeen Zarookian – déjà entendu au mois d’avril 2020 au sein du super-groupe californien Bebopalula dont il conviendra de reparler si une bonne âme a un jour l’excellente idée d’offrir une vraie sortie à l’un des meilleurs Lp’s de 2020, uniquement disponible en numérique à ce jour – les chansons originales rassemblées sur The Explorers Club osent rivaliser avec les monuments d’époque. Brewer a eu l’idée audacieuse et excellente de publier simultanément un album entier de reprises – To Sing And Be Born Again – qui permet tout à la fois d’assumer la diversité de ses références – pas un seul titre des Beach Boys au programme, pour celui qui demeure trop souvent réduit à une filiation exclusive avec Brian Wilson et consorts – et d’ouvrir la voie à un jeu de miroirs fascinant entre créations originales et réinterprétations empruntées aux répertoires des plus grands (Dylan, Bacharach, The Zombies).

The Explorers Club

C’est dans l’éclat de ces reflets croisés qu’apparaît de plus en plus nettement l’existence autonome d’un style authentique, pas tout à fait singulier et pourtant très identifiable, qui se caractérise par ces assemblages harmonieux qui tiennent à la fois du collage et du vitrail. La vitalité s’y diffuse tout autant que le sens du détail, cultivé sans être pédant, toujours au service d’un effet pertinent. La silhouette des frères Wilson s’estompe lorsqu’il faut extraire des vieilles bandes usées de Pet Sounds (1966), la basse de Carol Kaye ou les fûts de Hal Blaine pour mieux les faire résonner au beau milieu d’une mélodie tout droit sortie de chez The Turtles (Ruby). On en ressort possédé par cette belle vérité paradoxale : c’était mieux maintenant.

The Explorers Club :
To Sing And Be Born Again :

Une réflexion sur « The Explorers Club, The Explorers Club/To Sing And Be Born Again (Goldstar Recordings) »

  1. Cher Matthieu,
    Un grand merci d’avoir parler de the Explorers Club, un groupe que je suis depuis quelques annees deja. Bien sur, j’ai deja achete les yeux fermes ces deux albums inattendus. J’espere que ton article leur donnera un peu de reconnaissance en France.
    Concernant Bebopalula, belle decouverte, comme tu dis, ils meritent d’etre suivis.
    Enfin merci a Section-26 d’exister!
    Amicalement!
    Cyril

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