Les années 2010 s’éloignent progressivement. Elles partent rejoindre les limbes de nos mémoires, à quelques encablures du changement de millénaire. Le journalisme musical est un exercice particulier, il ne connaît que l’immédiat et le passé, si possible distant d’au moins deux décennies. Que faire des albums perdus dans le purgatoire, entre l’actualité et l’ancien temps ? Intéressons nous aujourd’hui à l’un de ces olibrius, pas assez vintage pour être réhabilité et porté aux nues : True (2012) de Violens. Paru il y a déjà treize ans, il semble plongé dans cet entre-deux où la réhabilitation ne va intéresser que les plus zélés. C’est souvent un tort, tant certains de ces albums sont des disques à chérir, bien au-delà de leur période de création.

C’est le cas du deuxième album de Violens, un groupe nord-américain installé à New York City qui n’a pas donné de nouvelles depuis. Le réécouter, une fois l’action dissipée, c’est tomber à nouveau sous son charme si particulier. Il faut dire que derrière ce mot-valise (entre violon et violence), se cache un trio fort doué : Iddo Arad, Myles Matheny et Jorge Elbrecht. Peut-être que le nom de ce dernier résonne chez vous. Si vous nous suivez depuis quelques années, peut être avez vous lu un article sur l’intéressé puisque Section26 (via Xavier Mazure) en a parlé plusieurs fois. Le musicien, né au Costa Rica, vivant à Los Angeles, est un touche-à-tout Tour à tour graphiste, musicien ou producteur, il a notamment collaboré avec No Joy, Wild Nothing, Sky Ferreira ou Japanese Breakfast ces dernières années. S’il continue de publier occasionnellement des albums, nous ne pouvons que regretter que True de Violens n’ait pas eu de suite. Publié par le label mythique Slumberland (The Pains of Being Pure at Heart, Veronica Falls, Crystal Stilts, Mantles, Big Troubles…), cet album déroule une indie-pop délicate et nuancée aux influences new wave, synth-pop et inattendues. Jorge et ses compères ne se sont pas contentés de réciter leur catéchisme indie. True est un album d’une richesse précieuse. Dans cet environnement où souvent les marqueurs prennent le pas sur l’éventuelle profondeur, Violens a exploré des chemins de traverse. L’album démarre de manière très classique avec le superbe single Totally True, un titre d’une étonnante justesse, dans les voix, les guitares égrainées et la production.
La magnifique Der Microarc confirme les dispositions singulières du groupe. Les curseurs indie-pop y sont, mais quelque chose de nébuleux affleure à la surface de cette guitare pop. Toujours sous-jacent pendant les somptueuses When To Let Go ou Sariza Spring, True trouble les sens dans sa seconde moitié. Every Melting Degree s’éprend de l’énergie shoegaze quand l’enchaînement Unfolding Black Wings / All Night Low souffle le clairon de la révolte. Violens prend ici le risque de s’éloigner des garçons et filles sensibles en s’autorisant une parenthèse très rock, presque métallique. Après le déluge, Violens calme le jeu en fin de parcours (la majestueuse Watch The Streams) et s’éprend même de boîte à rythmes, quelque part entre New Order et The Wake (So Hard to See). Ces sauts d’humeur n’entament pas la cohérence de True, au contraire, ils contribuent à sa singularité. True est un précieux ouvrage. Ses aspirations nous touchent au-delà du contexte. Les chansons de Violens restent toujours aussi belles avec les années.