Vanity Mirror, Super Fluff Forever (Factor)

vanity mirror super fluff foreverBrent Randall fait partie de ces artistes pour lesquels la liberté créative semble d’autant plus précieuse qu’elle se conquiert au terme d’une lutte avec les contraintes auto-imposées. A l’instar de son précédent album – Puff (2023) – tout semble ici avoir été conçu pour tendre, autant que faire se peut, vers l’horizon de la perfection pop dans un cadre minimaliste au sein duquel les limites matérielles se métamorphosent en ressources inattendues pour déployer l’imagination. Un ordinateur portable, deux guitares et autant de micros, un piano à peine accordé récupéré sur l’équivalent local du Bon Coin : il ne lui en a pas fallu davantage pour donner vie à ces treize miniatures, enregistrées avec les moyens minuscules du tout petit bord entre Toronto – où il réside la plupart du temps avec sa compagne Madeline Doctor – et la Californie où habite le troisième membre permanent du groupe, le batteur Johnny Toomey. Dans l’OuChaPo (Ouvroir de chansons potentielles ?) de Vanity Mirror, chaque chanson semble pourtant se déployer jusqu’à déborder des frontières confinées du cadre naïf et artisanal dans lequel elles ont été initialement composées.

Vanity Mirror / Photo : DR
Vanity Mirror / Photo : DR

Chaque chanson semble ainsi renouer avec l’enthousiasme juvénile et communicatif qu’aurait pu éprouver un enfant, puni dans sa chambre, à se perdre dans les tréfonds de son coffre à jouets et y puiser les trésors nécessaires pour repeindre les murs de sa prison provisoire aux couleurs de ses inspirations de l’instant. Un enfant doté, certes, d’une culture musicale impressionnante puisque on entend ainsi Brent Randall se déguiser, tour à tour, en gentleman farmerApple Tree ou Anna M. et leurs notes de piano bancal qui semblent s’échapper des fenêtres ouvertes du cottage écossais qui servait de refuge à Paul McCartney du temps de ses premières aventures solitaires – en dandy psychédélique – White Butterfly avec ses inflexions orientales et sa mélodie que l’on imagine avoir été conçue en sifflotant nonchalamment If I Needed Someone de George Harrison – ou encore en cosmonaute – Plastic Heart et ses sonorités rétro futuristes de Buggles au format Playmobil.

Les références aux jalons de l’histoire passée se succèdent ainsi, dépourvues pourtant de cette pesanteur insistante ou ostentatoire qui finit parfois par agacer chez les petits copistes moins doués. Les clins d’œil ou même les citations explicites – les harmonies à la Badfinger pour Painted Blue ; le combo des albums bleus des Beatles et de Weezer pour I Don’t Want To Hold Your Hand – sont balancés avec suffisamment de détachement et, surtout, de talent pour qu’ils n’entravent jamais le sentiment d’effervescence et de grâce éphémères qui émane de ces miniatures pop infiniment plaisantes.


Super Fluff Forever par Vanity Mirror est disponible chez Factor

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