Vaillant, Excalibur (Herzfeld)

« Nouveau Salem, nouveau Salò »

Je vous avais récemment relaté un concert de Vaillant dans l’arrière-magasin. Dans une approche simple, de l’électronique et un micro, il avait concassé une sorte de new-wave passée à la moulinette dans un parlé-chanté sur la corde raide, entre hip hop décharné et poésie du cloud dont les jeunes sont friands de nos jours. On n’oublie pas une longue plage en introduction, moitié indus, moitié IDM, rappelant les nombreux efforts instrumentaux (Magie Noire, Mirage Orange…) que Vaillant a produit via Herzfeld depuis quelques années maintenant. On se souvient aussi de Prince de Perse, tube perdu de l’été 2021 où le musicien avait trouvé sa voix.

Une voie trouvée aussi sur Excalibur qui poursuit cette expérience : on sent que Vaillant cherche une sorte de modernité, d’abord dans son expression, pas de bavardage inutile, ni de poésie mal lunée, mais une sorte de collage de mots, comme reflets de sensations, même si un sens volontariste n’en est jamais absent. Si la chanson disons classique n’est pas d’emblée écartée (le très pop Daho /autotune Petit amour, reprise adaptation de Joe Meek), il y a toujours un sentiment flottant d’étrangeté, comme une caméra qui n’arriverait jamais à faire le point. Bien sûr, Vaillant pourrait poser N’importe quoi de Programme comme un programme justement, mais cette reprise est ce qui est le plus proche de sa propre écriture : une économie de mots, quelque chose du slogan crypté (La Main-Torche) ou de l’histoire directe (Salem), de la répétition de formules qui impriment, sans jamais morigéner.

Vaillant / Photo : Raphaëlle Albane
Vaillant / Photo : Raphaëlle Albane

Dans le support à cette voix très frontale, Vaillant crée un cadre dépouillé et ordonné, où chaque son électronique semble répondre à son prochain. Il y a des cliquetis, de la neige de bruit traversée par des nappes de synthés et des basses, réminiscences des années d’enfance de l’auteur (Depeche Mode, New Order, Jesus And Mary Chain d’Automatic aussi sans les grosses guitares, si ça se trouve).  Au détour d’un morceau, on découvre une architecture plus complexe (L’alliance ou le morceau final La vie neuve), un penchant labyrinthique pour celui qui était un des architectes du groupe A Second Of June, connu pour leur new-wave pop ouvragée à l’extrême. Drôle de disque à la fois solitaire, mais conscient du monde qui l’entoure (avec un clin d’œil en rupture de ton à Récréation, groupe auquel appartient Vaillant) qui rentre dans la tradition, petite en nombre, grande en qualité, des albums francophones du label strasbourgeois (celui du regretté Philippe PoirierLes Triangles allongés, et celui éponyme d’Einkaufen), à la fois angoissant, excitant, toujours troublant.


Excalibur par Vaillant est disponible sur le label Herzfeld

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