Bob Stanley (Saint Etienne, Cola Boy) réalise depuis quelques années un travail de compilation remarquable pour le label britannique Ace Records. Si certaines s’écoutent d’avantage comme des mixes (76 in the Shade, Paris In the Spring…), d’autres se penchent plus spécifiquement sur un genre musical. C’est le cas de Latin Freestyle – New York / Miami – 1983-1992 publiée ces jours-ci. Elle s’attache à définir les contours d’un courant reliant, Madonna à l’electro-funk. La communauté latine (et au delà) se passionne pour les rythmiques de TR-808 et la dance music synthétique. Sur Latin Freestyle – New York / Miami, Bob Stanley n’a pas oublié les classiques (et nous l’en remercions). Nous retrouvons ainsi avec plaisir I Wanna Take You Home de Lisa Lisa and Cult Jam produit par Full Force. Si la chanson ne pose pas les bases du genre (ce serait plus Shannon, absente ici), elle les explore avec succès. Nous y retrouvons de nombreux fondamentaux du latin freestyle : d’excentriques samples de voix, des stabs à foison, des percussions frénétiques, une rythmique breakbeat electro-funk et un irrésistible sens pop. La géniale Baby Talk d’Alisha répond, de son coté, aux tubes de Madonna (Holiday, Into The Groove). Ce classique underground (numéro 1 au chart dance américain en 1985) mériterait d’avoir son revival et gagner un nouveau public. Le mix de la version 12′ est assurée par nul autre que Shep Pettibone, un des génies du remix des années 80 (New Order, Depeche Mode, Janet Jackson…). Comme à son habitude, le producteur offre un feu d’artifice baroque et psychédélique. Cela part dans tous les sens, pour mieux retourner la piste de danse.
D’autres suspects habituels des années 80 sont présents. Les mythiques Latin Rascals produisent Show Me des Cover Girls tandis que Pretty Tony rend hommage à Kraftwerk et Afrika Bambaataa sur la géniale When I Hear Music de Debbie Deb. Rayons tubes, Fascinated de Company B fait toujours son petit effet malgré ses presque quarante ans (1986). Percussions bouillonnantes y font connaissance avec une basse séquencée du meilleur effet. Écrite et produite par Ish Ledesma (Foxy), un musicien cubain de Miami, la chanson se fraie un chemin jusqu’à la premier place du top dance music nord-américain. Autre girl group mythique de freestyle, Exposé est présent avec l’évidente (et très réussie) Point of No Return.
Two of Hearts de Stacey Q est-il plus freestyle ou hi-nrg ? Nous laisserons les experts juger de la question, mais sa présence est ici bienvenue. Si sa base s’éloigne de l’electro-funk, la chanson fonctionne très bien dans le séquençage et possède des caractéristiques typiques. Jon St. James use et abuse du sampleur et des percussions, la voix de Stacey Lynn Swain fait le reste du travail avec brio, apportant même une touche de stupre. Ce morceau est un shot saturé de parfum sucrée surmonté d’une veste à épaulettes flashy en soie artificielle.
Si le freestyle est particulièrement populaire dans la seconde moitié des années 80, il survit à la décennie. Bob Stanley a ainsi sélectionné plusieurs morceaux du début des années 90. Parmi eux, la contribution de la chanteuse d’origine portoricaine Lisette Melendez a quelque chose d’intrigant. La production évolue. Au beat electro-funk succède un breakbeat samplé, mais les stabs eux sont toujours là ! Mélodiquement, nous retrouvons aussi les fondamentaux. La chanson est un déchainement de passion homérique.
Là est d’ailleurs la clef de cette compilation. Le freestyle est une musique pop, qui comme la northern soul ou les girl group, est une ode au lâcher prise. Il faut l’aborder sans a priori et se laisser porter par la vague. Celles et ceux qui y arriveront, découvrirons une musique originale, sémillante et débordante de vie. Ses tics de productions captivent. Ils défient les conventions, sans les affronter directement. Musique portée par la communauté latine (cubaine, portoricaine etc.), comme le boogaloo avant, elle célèbre les différences à travers l’universalité de la musique. Au carrefour de la musique latine (les rythmes de percussions), afro-américaine (electro-funk), voir européenne (Kraftwerk), le freestyle fête la joie et la fraternité.