Nos nuits à Nantes, au Festival Soy (1/3)

Festival Soy Nantes
Stereolux / Photo : Benjamin Rullier

La nuit dispose son long manteau sur une Loire toute calme. Deux adolescentes déguisées traînent mélancoliquement et regardent les reflets de l’eau. Sur les terrasses des bars, on boit plus de bières qu’il ne faut et les gamins viennent quémander leur ration de bonbons. Quelle drôle de fête. L’automne s’est mobilisé à moitié – un froid timide, des lueurs de cuivre et un crépuscule insolent. Voici la première soirée du festival Soy.

Olden Yolk / Photo : Benjamin Rullier

Direction Stereolux, pour une salle pleine et attentive avant l’arrivée de Olden Yolk. C’est une bouffée tiède comme venue de Laurel Canyon. Le duo New-Yorkais, composé de Shane Butler et Caity Shaffer, lisse parfaitement ses broderies psychédéliques. Remugles introvertis de Love -ici, la folie est cadenassée – les chansons s’enchaînent lentement comme les feuilles tombant au sol. Musique de saison : douce, invariablement exquise. Sans doute trop. Cela manque d’accrocs, d’aspérité – c’est cotonneux. On ne s’en plaint pas – on oublie sans peine et trop vite les choses qui nous ennuient un peu. À s’approcher trop près du feu de la cheminée, soit on se brûle, soit on s’endort. La justesse du jeu de guitare impressionne, oui. Cela rend éveillé, tout de même. Voilà donc une prestation qui donne envie de se focaliser sur les détails et non sur l’ensemble. C’est charmant. À l’évidence, c’est lorsque l’on attend rien de spécial que tout arrive. Habillés sobrement de noir, les musiciens d’En Attendant Ana campent sur scène.

En Attendant Ana / Photo : Benjamin Rullier

Le doute me saisit toujours lorsque je vois un cuivre parmi les participants. C’est tout ou rien. J’ai pensé cinéma dès les premières notes… les saturations de guitare se présentant comme la nuée des clopes dans les films de Claude Sautet. Ces jeunes gens sont photogéniques. La trompette tonne sa mélancolie, gifle légèrement les mélodies – cela donne du rouge aux joues. Il y a du style et une énergie sèche, parfois, tombant dans la langueur. C’est My Bloody Valentine chez François Truffaut. C’est les Pastels biberonnés aux longs boulevard parisiens. Il y a ce je ne sais quoi de timidité qui rendait le catalogue de Sarah Records émouvant. Une ravissante surprise qu’En Attendant Ana. Ensuite, c’est une brusque invasion. Les mecs sont aussi nombreux sur scène que le nom du groupe est à rallonge. Rolling Blackouts Coastal Fever. Ben tiens. Ils sont au moins trois à se partager le micro, c’est une habitude australienne ces temps -ci: le partage du chant – référence à The Goon Sax.

Rolling Blackouts Coastal Fever / Photo : Benjamin Rullier

Ce groupe venu de Melbourne nous sert du The Triffids très énervé. L’effet de l’alcool ou pas, les voir bouger de partout à s’échanger leur jactance me passionne pas plus que cela. Mais mon ingratitude se fait secouer un peu avec des saillies pop dignes des premiers pas de R.E.M. L’énergie, vorace, envahit tout et nous perd un peu. Un état cotonneux mais avec des épines dedans. Sub Pop a toujours apprécié signer des groupes à larsens, dans ce sens, c’est une réussite. Mais après la ligne mélodique ébouriffante d’En Attendant Ana, ici, tout semble un peu austère. Un classicisme figé. C’est comme aller voir son groupe préféré sans la personne que l’on aime, c’est frustrant. L’inachevé agace parfois et charme à d’autres moments. C’est dans un ensemble de vapeurs qu’apparaît le final de cette soirée. Fumées bleutées, savoureuses, dans lesquelles on distingue un jeune homme aux cheveux immenses.

Andy Shauf / Photo : Benjamin Rullier

La ligne de basse ronde vient instantanément avouer son amour pour les Beatles. Les premiers pas sont précis et Andy Shauf n’a pas son pareil pour dresser un décor. Quelle splendeur! Musique d’impressions, de fièvre passagère où l’on peut cacher nos élans amoureux, nos intimités précieuses. On retrouve, sur scène, toute la candeur qui forge ses disques. Une virtuosité tout en humilité dans ces comptines pop, étalées et languissantes, là devant nous. Tout cela ressemble à un cours d’eau majestueux et serein, une agilité pénétrante qui stimule nos imaginations. C’est ce que l’on appelle le charme, c’est ce que l’on appelle ne pas oublier un geste tendre. Tout simplement la plus belle des musiques pour clore cette délicieuse première soirée.

Remerciements au festival Soy et à Benjamin Rullier pour les photos.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *