Déjà repérées il y a plusieurs mois sur la foi d’une très belle proximité avec quelques révolutions new-yorkaises pré-punk de pas beaucoup, The New Eves de Brighton sortent enfin leur premier album. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas le disque le plus agréable du moment, mais il n’est pas là pour ça. Et puis en fait il l’est souvent, agréable, mais surtout parce que corrosif, vital, essentiel, inspirant, déraisonnable et inspiré. Un vrai jeu de piste entre la déraison et la beauté. On sort les références importantes dans deux minutes, soyez patient.e.s un peu, merde.

On imagine juste un fan de pop music en 1968, curieux, avide de découvertes mais finalement conservateur. Et cette personne, qu’elle soit de Clarendon, état de New York ou de Bezons, Val-d’Oise, se trouve de manière assez incongrue à écouter un disque tout noir. White Light/White Heat du Velvet Underground. Alors évidemment on est dans l’uchronie, c’est très mal distribué à l’époque. Bon, mais mettons. On imagine le courroux, le choc, l’aphasie, la sidération, la remise en question et soyons fous, l’enchantement. ON/JE ne vais pas vous pondre un petit laïus prévisible de vieux con sur comment et à quel point 88% du rock dit indie actuel qu’il soit dolent ou vénère m’emmerde profondément. Pire, il m’indiffère. Alors que The New Eves me tourneboulent à un niveau important. Pas parce qu’elles rappellent directement ces grandes révolutions braillardes mais sensibles que furent The Slits, The Fall, The Raincoats, UT, Tom Tom Club, Crass, Bikini Kill, Huggy Bear ou plus proches de nous Electrelane et Rose Mercie. Non, c’est déjà beaucoup, ça devrait suffire et ce serait déjà assez super, mais non, il n’y a pas que ça.
Il y a que dans chaque morceau de ce premier album une chose en amène une autre et que l’on a l’impression de refaire des allers-retours dans tout ce qui compte ou tout ce qui a pu compter, des Dead Kennedys à Bob Dylan en passant par Royal Trux, X-Ray Spex, Patti Smith, The Smiths ou Diabologum. Oui, elles font ça, ici et maintenant, dans l’Angleterre perave telle qu’elle est. Et pourtant, je l’imagine volontiers, sans aucun cynisme en sus, elles* n’en ont absolument rien à foutre. L’anti Wet Leg. En mode merci pour tout Jehnny Beth, mais on va s’en occuper nous-même dorénavant. Crier contre un cauchemar en marche tout en faisant, déso, de l’Art. Alors, comme quelques vieux connards paternalistes et rigoristes n’ayant plus aucune influence sur le monde (Everett True, Hans Daniel Beauvallet, qui sait Renaud Sachet demain ?) je me joins à la confrérie du panégyrique de ces souris déglinguées. En sachant tout aussi bien que depuis le début, nous vivons dans une uchronie et nous pissons dans un violon sans (c)esse. Car rassurez-vous, bien que paraissant sur Transgressive, label de pointe (Alvvays, Damon Albarn, Black Country New Road) censé être promu dans notre si beau pays par PIAS, ce disque, au moment où l’on écrit ces lignes purement informatives, ne sera pas distribué ici. Vous, jeunes gens(te)s, en revanche allez écouter cette merveille crissante, et faites bien bien attention car il pourrait changer vos vies à jamais. Le talent, comme le génie, c’est très mal distribué.
The New Eve Is Rising par The New Eves est sorti chez Transgressive en Import. Le groupe jouera à Paris le vendredi 07/11 lors du Pitchfork Music Festival Paris.
* Violet Farrer, Nina Winder Lind, Kate Mager et Ella Oona Russell.