The Lilac Time, Dance Till All The Stars Come Down (Poetica)

Le premier morceau entendu s’appelait Return To Yesterday. C’était il y a trente-cinq ans, au détour d’une des compilations saisonnières des InrockuptiblesUn Automne 1988 – et il résonnait alors comme un manifeste à rebours de l’époque, une première invitation lancée par Stephen Duffy à le suivre dans les marges plus rustiques de son refuge folk, loin de la modernité des hit-parades qu’il avait préalablement fréquentée, avec Duran Duran puis en solo. Une douzaine d’albums et quelques décennies plus loin, l’intitulé programmatique n’a pas vraiment perdu de sa pertinence, au contraire. Découvrir un nouvel album de The Lilac Time en 2023, c’est d’abord renoncer aux bouleversements plus ou moins fantasmés d’une écoute radicalement neuve et accepter de se replonger dans le décor familier d’une forme presque immuable. Quatre ans se sont écoulés depuis la dernière visite : rien n’a profondément changé chez The Lilac Time et, c’est très probable, rien ne changera plus. D’un épisode à l’autre, les seules variations tiennent donc aux éventuelles fluctuations de notre désir d’y séjourner. Ainsi, on écoute Dance Till All The Stars Come Down comme on passerait quelques jours de vacances entre les murs d’une vieille maison de famille dans laquelle seuls les intimes sont conviés. N’y résident plus de façon permanente que l’entourage le plus proche : Duffy, sa femme Claire et son frère Nick. Ben Peeler, un ami de longue date, passe de temps à autre pour glisser quelques touches de pedal-steel. Ni basse, ni batterie : voilà qui renforce encore l’impression dominante de tranquillité apaisée.

Quelques liens tissés ça et là avec le passé – So Far Away N°2, suite de So Far Away, une chanson présente sur Keep Going, 2003 – marquent la continuité. Les souvenirs sont présents, parfois dissimulés sous une patine poussiéreuse qui rebuterait sans doute dans d’autres lieux ou d’autres circonstances mais que l’on choisit pourtant de laisser intacte parce qu’elle prolonge une partie d’un charme diffus. Celui du temps qui passe et du vieillissement : c’est un peu triste mais c’est aussi émouvant. Il y a quelque chose de profondément touchant à entendre la famille Duffy creuser un sillon musical comme on suit l’apparition inéluctable des rides sur un visage.

The Lilac Time
The Lilac Time

« I’ve never liked my birthdays/They always make me sad/It isn’t getting older/That’s neither good nor bad  » entend-on d’emblée sur Your Vermillion Cliffs, alors que les cadences acoustiques qui évoquent Running Scared de Roy Orbison semblent vouloir rythmer l’écoulement ambivalent de l’âge. Pour l’oublier sans l’occulter totalement, on en plaisante à plusieurs, on échange quelques souvenir teintés de nostalgie – The Long Way ou Candy Cigarette. A défaut d’entretenir encore l’illusion adolescente de changer le monde, on échange quelques points de vue critiques sur son état – A Makeshift Rack, Adios And Goodnight : après tout, on est vivant tant qu’on s’indigne encore un peu. Et puis on conclue par ce que l’on connait encore le mieux : une histoire mi-réelle, mi-embellie, d’insuccès musical – The Band That Nobody Knew. On se remémore quelques anecdotes tragi-comiques  – “That was our time in the shade / No one but the driver got paid ”. Avec le recul, on en plaisante davantage qu’on en pleure : les échecs sont un peu plus légers quand on les partage ensemble. On s’en souviendra, c’est certain, jusqu’aux prochaines retrouvailles.


Dance Till All The Stars Come Down par The Lilac Time est disponible sur le label Poetica.

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