Note de la rédaction : Nos chroniqueurs ont oublié de se coordonner pendant leur sieste du 15 août, nous avons donc aujourd’hui deux avis sur le même disque.
Dans une sorte de pèlerinage distant, on est retourné cet été au Rough Trade East, un peu méfiant. Dans ce magasin très grand qu’on avait connu (en fait non, on allait toujours à celui de Portobello) un peu plus sauvage, les bacs étaient emplis de vinyles. Sur le mur du Staff Pick, on repérait la pochette intemporelle de Dance Till All The Stars Come Down, mi-surpris, mi-interrogateur. Un nouveau Lilac Time, chouette, mais oui. En 2023. Des nouvelles de Stephen Duffy, on ne dit jamais non. On ne dit jamais non à nos héros de nos jeunes années créationnistes, le label pas la religion : c’est comme ça, ils sont en nous pour toujours, Peter Astor, Lawrence Hayward, Nick Currie… qui continuent de défier le temps.
En 1988 ou 89, on se passait en boucle Return To Yesterday et en un clin d’œil, un après-midi chaud de 2023, on se retrouve à chroniquer le 12, 13e album du Lilac Time de Stephen Duffy. Parce qu’on lui doit bien ça, ça s’appelle de la fidélité, ou simplement une histoire d’amitié musicale, sans rencontre. On l’avait bien croisé sur scène à Londres au début des années 90 : le groupe, habillé de blanc, jouait à Londres pour fêter la sortie sur Creation, enfin, du toujours magnifique Astronauts. Ils avaient même joué une reprise de Prince, Raspberry Beret, et tout le monde avait ri au vers My boss IS mister McGee, rapport à la présence de leur mutique manager roux qui leur tournait le dos au bar du club. Mais on ne va pas revenir en arrière, hein.
Stephen Duffy, c’est la fidélité aussi à un genre qui a traversé les années, cette croyance dans la chanson couplet-refrain-pont, entre les Beatles et les fantômes du folk anglais, et bien sûr ceux d’outre-Atlantique, le petit Dylan illustré, la Beat Generation forever, la country solaire transposée dans la campagne anglaise sous la pluie. Comme on n’est pas tout à fait bilingue, il y a sans doute une grande partie de la distance, de l’humour, des allusions de sa littérature qui nous échapperont pour toujours, mais ça fait partie du jeu. On entend juste dans la voix de Stephen ce qui nous sied : une honnêteté, une beauté incalculable, une proximité qui nous fait traverser les grands blues de la vie, les remises en question, les départs, les amours essentielles comme ceux qui n’existent que l’espace d’un regard, ce satané temps qui passe trop vite, ou pas assez, ça dépend des jours.
Lilac Time, c’est aussi ce groupe, avec banjo, pedal steel ressortis pour l’occasion qui habille cette voix qui a vieilli, elle chuinte un peu plus mais garde une forme de pureté dans la mélodie, dans l’harmonie. C’est ce qu’on aime dans Lilac Time, les repères, les mots (love, believe, me, free) de l’habitude, il y a tout ça dans ce nouveau disque. Une collection de chansons imparables, lentes ou mid tempo au mieux, qui viendront compléter notre corpus personnel (livré à Section 26 il y a quelques temps) composé toutes ces années, comme une encyclopédie dédiée qui s’écrit encore, et on espère pour longtemps, parce qu’à dire vrai, on ne s’en lasse pas. Tout une vie de chansons rêvées depuis les débuts où on s’identifiait aux vieux Cohen, on y est presque, celui chantait jadis Dancing to the end of love, oui on y est : Dance Till All The Stars Come Down, donc.
Si bon qu’il a été revu deux fois.