The Jazz Butcher, The Highest In The Land (Tapete)

The Jazz ButcherTout pourrait envahir l’écoute, la réduire à ce seul contexte qu’il n’est – évidemment – pas possible d’ignorer. Pat Fish est décédé au mois d’octobre et, pourtant, rien ne s’entend ici comme un achèvement. Tout semble rester en suspens dans ces ultimes échos posthumes de ce qu’il n’a jamais été vraiment été possible de considérer comme une carrière au sens commercial et stratégique du terme. The Highest In The Land est simplement un très bon album de plus, pas si différent de bon nombre de ceux qu’on a aimés souvent – ou parfois négligés – tout au long de ces quatre décennies d’activités musicales irrégulières : presque un album par an pendant les deux premières et puis un seul ensuite au siècle nouveau. On guette en vain les signes avant-coureur d’un essoufflement fatal mais les bilans testamentaires et les leçons de vie pontifiantes n’ont jamais été le genre de cette excellente maison.

Pat Fish / The Jazz Butcher
Pat Fish / The Jazz Butcher

Ces neuf chansons, composées tout au long d’une décennie de silence discographique qui a précédé leur publication en témoignent, pleines d’une vitalité communicative et d’une énergie toujours imparfaite, balancées à la postérité avec cette même nonchalance admirable qu’aucun signe avant-coureur d’une fin dramatique ne semble devoir perturber. Et même quand il est explicitement question de l’imminence du trépas – Time, notamment – la pudeur l’emporte et le clin d’œil à l’auditeur permet d’éluder l’annonce. « Time is running out/Money is running out/ And you don’t need me to tell you what it’s all about.«  Nul besoin d’en dire trop, en effet. A l’instar de cet émouvant cliché qui orne la pochette, saisi sur le vif par un éminent fan français – Philippe Dufour pour ne pas le nommer – à l’occasion de ce qui restera son dernier déplacement musical dans la capitale à l’automne 2019, Fish sera jusqu’à son dernier souffle demeuré en mouvement. Comme si, pour lui, le trépas ne pouvait être autre chose qu’une pause cigarette à la sortie de la gare : un fragment parmi d’autres du trajet, quelques instants dérobés au bout du voyage.

L’ombre de la mort est présente, certes, mais plutôt que de la laisser planer, on préfère s’amuser à en jouer, à briser sa densité implacable en dessinant des silhouettes avec les doigts aux dernières lueurs de la musique. Et, en la matière, il y a un peu de tout ce qui a rendu Fish si attachant dans cet anti-American Recordings : la légèreté désuète de Melanie Hargreaves’Father’s Jaguar ou de The Highest In The Land, entre poésie absurde et jazz antique, où les motifs de guitare du toujours fidèle Max Eider surlignent sans trop en faire les traits d’esprit de l’auteur ; l’humour noir mais pas grinçant de Running On Fumes ; la nostalgie instrumentale de Amalfi Coast May 1963 comme une balade sur la Riviera en compagnie de Cosma et de Saint Etienne. Et puis, au détour d’un sourire, d’un exercice de style ou d’une pochade, quelques très grandes chansons, de la trempe de celles qui rendent à la fois triste et gai et qui semblent interrompre le flux de l’existence banale pour lui redonner de l’impulsion. Never Give Up déboule d’emblée dans ce Panthéon avec sa simplicité bouleversante et son évocation, dépourvue de toute carapace protectrice où de toute distanciation, du désordre amoureux. Goodnight Sweetheart aussi, qui apporte une touche finale de résignation sereine à ces très beaux adieux.


The Highest In The Land par The Jazz Butcher est disponible sur le label Tapete Records.

Une réflexion sur « The Jazz Butcher, The Highest In The Land (Tapete) »

  1. Il s’opère une cassure dans la transmission des groupes des 80 et 90″s de rock indé que l’ont a tant aimé et que l’ont aime encore en 2022 ,force et de constater que les 18 /30 ans au mieux ignore tous de par fish et au pire en rien a branler , toute nos marottes de coeur son totalement inconnu de cette nouvelle génération, les causes de cette désaffection son complexe et multiple et je suis triste quand je le rends a un concert , nous sommes deux tondus trois pèles ,que des vieux con comme mois ,

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