Drums Along The Hudson, premier album de The Bongos, raconte en filigrane les tâtonnements de la scène indépendante américaine des années quatre-vingt. Si Murmur de R.E.M., publié en 1983, est généralement considéré comme l’an zéro de l’indie-pop étasunienne, de nombreux groupes développent, en marge du punk ou de la new-wave, les fondations de l’indie au début de la décennie, notamment de ce son jangle-pop, compilé récemment par Captured Tracks (Strum & Thrum: The American Jangle Underground 1983-1987). Menés par Richard Barone et originaires d’Hoboken dans le New Jersey, The Bongos relient en effet les dBs aux Feelies. Les trois groupes déploient une certaine idée de la pop à guitare au son clair, un peu sèche et sans fioriture.
Si les Feelies, également d’Hoboken, empruntent un chemin plus expérimental, l’appellation de powerpop généralement collée à The Bongos (et the dBs) n’est pas forcément satisfaisante tant le son de cette formation s’éloigne des powerchords à la Who ou des mélodies guillerettes rehaussées de shalala. Publiés en singles et EPs entre 1980 et 1982, les quinze morceaux de Drums Along Hudson forment un ensemble cohérent, à l’épreuve du temps. De l’épure, le groupe tire son élégance. Les influences sixties/seventies (la reprise de Mambo Sun) sont digérées et intégrées à une musique sachant s’éloigner des routes trop fréquentées au profit des sentiers et des traverses. La formation est ainsi autant capable d’écrire des merveilles pop comme Clay Midgets ou Glow in the Dark que de s’éprendre de rythmes frénétiques dans le relevé Three Wise Men, rencontre inédite entre Bo Diddley et la No Wave. La ligne de basse de Certain Harbours semble, quant à elle, avoir été taxée sans ménagement à I am a Man de Chicago, avec un résultat fort différent. L’urgence de In the Congo ou The Bulrushes convoquent les spectres décharnés des groupes garage sixties sans surjouer. La morgue de Richard Barone y explose dans un déluge de rage au son d’une fuzz grinçante. Dans les réseaux souterrains, à l’opposée de l’idéologie Yuppie de la pop conquérante des charts, Zebra Club sonne comme un appel aux armes. La chanson, sommet de ce premier album, est peut-être devenue la plus connue du groupe. En France, elle fut reprise par Gamine, une autre formation défendant la pop aristocratique sans-le-sou ; genre dont Drums Along The Hudson est peut être un des plus beaux et impétueux faits d’arme.