The Autumn Defense, Here And Nowhere (Yep Roc Records)

The Autumn DefenseIl y a ces deux albums publiés à quelques semaines d’intervalle, coup sur coup, mais tellement différents. Difficile pourtant de résister à la tentation comparative puisqu’ils apparaissent simultanément comme deux surgeons d’un des groupes américains les plus importants du début de ce siècle. Twilight Override de Jeff Tweedy est un triple album – ce seul constat factuel pourrait fort bien suffire à écluser le sujet –  rempli jusqu’à saturation des fragment d’introspection sur l’état dramatique de l’époque et d’ébauches musicales capturées sur le vif, dans une forme de profusion éclectique et d’inachèvement spontané qui n’exclut ni les coups de génie, ni les fausses pistes. Here And Nowhere de The Autumn Defense – ce groupe formé il y a vingt-cinq ans par John Stirratt et Pat Sansone, en marge de leurs activités d’instrumentistes au sein de Wilco – contient tout simplement onze chansons douces, mélodieuses, arrangées avec soin et classicisme, qui parlent le plus souvent de l’amour et du temps qui passe. Toute honte bue, je crois que j’éprouve davantage de plaisir à écouter – et même réécouter trois fois de suite, pour rééquilibrer la balance – le second.

The Autumn Defense / Photo : DR
The Autumn Defense / Photo : DR

Comment pourrait-il en être autrement, en effet ? Il est incontestable, certes, que le Grand Art se doit parfois d’être exigeant, de défricher en tâtonnant des territoires d’inconfort et donc de confronter l’auditeur au sentiment provisoire de déstabilisation ou d’incompréhension. Parfois. Pas toujours. Et la vraie vie – celle que les disques accompagnent sans parvenir à en altérer vraiment le cours – apporte son lot suffisant de pénibilités ou de drames pour que l’on s’autorise aussi à chercher dans la musique les refuges temporaires qu’elle peut offrir. C’est donc avec un sentiment de plus en plus ténu de culpabilité que l’on confesse, au fur et à mesure que les années et les décennies s’écoulent, une préférence de plus en plus marquée pour les albums qui s’invitent, même à l’improviste, les bras chargés d’un petit bouquet ou d’une bonne bouteille plutôt que pour ceux qui s’imposent sans prévention ni ménagement, déblatèrent toute la soirée sans même s’enquérir des éventuels états d’âme de leur hôte, et finissent par se torcher dans les rideaux du salon.

Here And Nowhere est indéniablement un disque poli, dans tous les sens du terme : à la fois respectueux des formes musicales qu’il ne prétend jamais bouleverser à coup d’innovations radicales et soigneusement peaufiné dans chaque nuance de ses arrangements où les parties de guitare croisées des deux compères s’entremêlent aux sons des cordes et des claviers – et même de quelques cuivres qui surlignent avec parcimonie les langueurs de Old Hearts. Après onze années d’attente – celles qui ont séparé ce sixième LP de son prédécesseur – c’est bien la moindre des choses. En petits maîtres assumés du soft-rock à l’ancienne, les deux hommes de l’ombre se contentent une fois encore baguenaudent sur les chemins de traverse de la mélancolie douce, où s’étalent les ombres portées des références plus – George Harrison, Harry Nilsson ou même Big Star (Ravens Of The Wood, I’ll Take You Out Of Your Mind) – ou moins – America, Seals & Crofts – avouables et qui les conduisent à cheminer, au gré de leur inspiration sans faille, entre Laurel Canyon et Liverpool. La balade est bien trop belle et agréable pour y renoncer au nom d’une quelconque exigence morale ou esthétique supérieure.


Here And Nowhere par The Autumn Defense est sorti sur le label Yep Roc

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