Il est des groupes qui vous explosent au visage comme une précieuse révélation, vous rappelant pourquoi et comment tout a commencé dans votre cœur. Mi-2020, les Américains de Sweeping Promises sortent en pleine pandémie Hunger For A Way Out, une délicieuse claque dans le marasme ambiant, explosion cathartique de post-punk chauffé à blanc, enregistré avec un seul micro, mais mille idées plein la tête. Trois ans plus tard et malgré une signature chez Sub Pop, le groupe laisse tous ses curseurs dans le rouge avec Good Living Is Coming For You, un deuxième album plus fort, plus sombre, plus éclectique, mais qui garde tout de leur fantastique idiosyncrasie : une production monolithique qui sonne comme la plus glorieuse cassette audio jamais entendue, un songwriting punk acéré qui vient se diffracter sur des plans new wave pleins de groove, et la voix de Lira Mondal, pur tremblement de terre pop. Le tout en s’inspirant du seul post-punk qui compte, si rare aujourd’hui, celui des débuts, qui crisse et réinvente le monde avec une audace ingénue et inspirante, et dont Sweeping Promises sont de glorieux descendants. En échangeant avec Lira Mondal (basse et chant) et Caufield Schnug (guitare et batterie), c’est le portrait d’un duo inséparable qui se dessine, deux artistes s’inspirant mutuellement et ayant une vision commune et singulière de la musique qu’ils veulent créer, dans une indépendance indéboulonnable et inspirante.
Nous sommes quelques jours avant la sortie de Good Living Is Coming For You. Comment vous sentez nous ?
Lira Mondal : Super excités. On a passé tellement de temps à peaufiner cet album ces deux dernières années. Certains morceaux ont été écrits juste après la sortie d’Hunger For A Way Out, mais nous avons été pris dans le tumulte de nos vies en pleine pandémie, nous obligeant de partir de Boston pour le Texas avant de finalement revenir nous installer dans notre nouvelle maison [à Lawrence, Kansas]. Mais cela nous a permis d’écrire l’album que nous voulions, de le produire à notre façon, et nous avons hâte que les gens le découvrent.
Vous travaillez en tandem depuis plus de 10 ans maintenant, avec de nombreux projets comme Dee-Parts ou Mini Dresses. Quand vous avez lancé Sweeping Promises en 2020, où vouliez-vous aller ?
Caufield Schnug : Sweeping Promises doit être notre neuvième groupe – on ne tient pas les comptes – et c’est vrai que l’on s’était fixé quelques règles au début : jeter toute idée qui nous demandait plus de vingt minutes de travail, ne pas avoir plus d’une partie de batterie par morceau, utiliser un seul micro pour enregistrer.
Lira Mondal : Ça a évolué depuis. Là où notre premier album pouvait être très minimal, avec des parties de guitares qui ne jouent qu’une note à la fois ou des harmonies vocales rares, nous avons beaucoup plus de strates sur le nouveau, plus de détails.
Caufield Schnug : Quand nous avons commencé à travailler sur le nouvel album, nous voulions vraiment faire une copie conforme de ce que nous avions fait sur Hunger For A Way Out, et ne pas évoluer du tout. Mais nous n’y sommes pas arrivés…
Lira Mondal : En grande partie parce que nous n’enregistrions plus au même endroit…
Caufield Schnug : L’idée de refuser tout changement reste très séduisante pour moi. Il y a souvent cette volonté chez certains groupes ayant eu plus de succès que prévu pour leur premier album de monter en gamme avec le suivant, de viser plus grand, en espérant vendre encore plus de copies… Ceci dit, c’est un peu ce qu’on a fait !
Comment se déroule l’écriture et la collaboration entre vous ?
Lira Mondal : Nous faisons tout ensemble, et les chansons émergent en jouant. Caufield se met à la batterie, je suis à la basse avec un micro, nous partons d’une idée que nous aimons puis commençons à l’enrichir. L’écriture et l’enregistrement sont un processus commun – nous n’avons quasiment jamais de chansons terminées avant de les mettre sur bande, tout se fait dans l’instant, avec un enregistreur qui tourne pour ne laisser passer aucune idée. Travailler comme ça est à la fois une joie et un vrai défi : tu ne sais jamais tout à fait ce que tu es en train de faire, tu n’as qu’une vision générale en tête et tu dois y ajouter des détails sur le moment. Tout se construit dans cette incertitude.
Caufield Schnug : Nous aimons beaucoup les concepts d’écriture automatique et d’improvisation dans notre musique : je ne compose aucune de mes parties de guitare en amont par exemple, je tente juste quelque chose sur le moment. L’important est de rester spontané, en allant le plus vite possible.
Lira Mondal : C’est de l’empilement. Je vais imaginer une ligne de batterie, Caufield va la jouer et l’enrichir, puis je rajoute une ligne de basse dessus. Et on continue : des guitares, des synthétiseurs et des voix, si j’ai eu le temps de trouver une bonne mélodie et des paroles en un quart d’heure !
Caufield Schnug: Je suis prêt à sacrifier la qualité de l’enregistrement si ça peut nous permettre d’être rapides et de rester focalisés sur un morceau. Évidemment, c’est un vrai challenge et ça ne fonctionne pas la plupart du temps : on bazarde sans doute 90 % de ce que l’on fait !
Lira Mondal : Mais c’est comme une sculpture : tu tailles dans la masse jusqu’à ce que quelque chose émerge. Jeter est un processus de clarification.
Sweeping Promises est devenu votre boulot à plein temps après la sortie de Hunger For A Way Out. Comment s’est passée cette évolution ?
Caufield Schnug : Nous avions des carrières très différentes avant la pandémie et ce n’est que quand nous les avons perdues que nous nous sommes tournés vers la musique à plein temps. Ce n’était donc pas notre but. C’était un rêve bien sûr, mais ça nous est tombé dessus accidentellement.
Lira Mondal : Avant tout ça, nous pensions vraiment que notre musique serait reléguée aux oubliettes. À Boston, nous avions fait des tas de concert dans des sous-sols et avions composé de nombreux albums…
Caufield Schnug : Écrire Hunger For A Way Out était vraiment un geste nihiliste. C’était un album à destination de personne, enregistré dans un endroit où nous étions squatteurs, et cela nous allait très bien.
Lira Mondal : Nous l’avons fait en pensant que personne ne l’écouterait, ou alors seulement quelques potes qui achèteraient le vinyle pour nous faire plaisir. C’était une expérience assez surréaliste de voir de plus en plus de gens découvrir l’album.
Caufield Schnug : Aujourd’hui, nous avons notre studio, attenant à notre maison. Avoir nos propres moyens pour enregistrer et produire notre musique en toute indépendance est quelque chose de très différent. Il nous a fallu apprendre à naviguer dans cette nouvelle vie, en nous astreignant à une pratique constante, assez professionnelle. On est des bourreaux de travail, au studio tous les jours, 90 heures par semaine. Cela nous permet d’écrire en moyenne 60 chansons par an… dont la plupart ne seront jamais entendues par personne ! (rires.)
Lira Mondal : L’idée est vraiment de prendre ça le plus au sérieux possible, sans pour autant être dans un cadre trop normatif. Avoir ce studio accolé à notre lieu de vie, c’est un bon moyen de le voir comme notre bureau, un endroit où l’on va pour bosser, même si la séparation n’est pas toujours facile.
Il y a chez vous une volonté farouche d’indépendance : albums autoproduits, enregistrés et mixés dans votre propre studio. Pas loin de l’attitude DIY prônée par les Desperate Bicycles…
Caufield Schnug : Oui, c’est très important. Nous n’irons jamais dans un studio avec un producteur pour sortir un album surcompressé.
Lira Mondal : Les deux dernières années où nous avons vécu à Boston, nous étions dans un appartement miteux, à moitié en sous-sol, avec des rats qui rodaient dehors et des cloisons ultra-fines. Malgré cela, nous avions tout de même tout notre matériel pour enregistrer chez nous, aussi discrètement que possible, en s’installant n’importe où : cuisine, salle de bain… Nous sommes donc vraiment heureux de pouvoir désormais avoir un endroit dédié pour enregistrer, où aucun voisin ne peut nous entendre et où nous pouvons êtes aussi bruyants et fous qu’on le veut, tout en ayant exactement le son que nous souhaitons. Ça a d’ailleurs été un bonheur quand le label Sub Pop nous ont contacté pour distribuer le nouvel album à l’international, en insistant sur le fait qu’ils aimaient ce que nous faisions de A à Z, et qu’ils nous laissaient carte blanche sur le processus d’enregistrement et de production.
Votre son est d’ailleurs très singulier : on ne pourrait pas le qualifier de lo-fi, car il semble très travaillé dans ses aspects saturés et son aspect monolithique, mais il y a clairement un côté brut.
Caufield Schnug : Nous avons une vraie affinité pour la musique et l’esthétique lo-fi, mais encore faut-il savoir ce que veut dire ce terme. La notion de « fidélité » est cruciale à mes yeux. Je pense que nous vivons dans une culture sonique aujourd’hui qui est sous l’emprise d’une clarté tyrannique et excessive. Beaucoup de groupes indés ont un son terriblement propre, et pour moi, c’est ça la vraie lo-fi : un manque de fidélité par rapport à ce qu’est vraiment ta musique. Tu as tous ces albums où les instruments semblent éparpillés, décortiqués, spatialisés avec minutie – bien loin de ce que peut être l’expérience de voir ce même groupe en concert. Pour moi, c’est ça la lo-fi, un enregistrement qui n’est pas fidèle à la réalité. Bien sûr, il y a des choses à faire avec ces productions très cliniques et digitales, mais ça ne nous intéresse pas. Nous préférons produire nos albums quasiment en mono et avoir cette unité d’espace et de son, avec l’idée d’un mixage qui ne peut être démêlé, où les instruments se fondent les uns dans les autres, exactement de la façon dont la musique sonne dans les endroits où elle est créée. De cette manière, je pense plutôt que nous sommes un groupe hi-fi !
Vous avez ressenti un peu de pression en commençant à travailler sur le deuxième album ?
Lira Mondal : Oh ouais. Qu’on le veuille ou non, on a pensé aux attentes qu’il pouvait y avoir par rapport à ce deuxième album. Cela fait 15 ans qu’on enregistre des albums ensemble, rien de tout ça n’était nouveau, mais avoir été écouté par un plus grand nombre de personnes a un peu monté les enjeux.
Caufield Schnug : Et puis on a dû penser à la question de l’argent pour la première fois, vu que c’était désormais notre seule source de revenus. Si cet album-là ne marche pas… (un temps.) Bah, on en fera d’autres ! (rires.) Au fond, je me fiche bien de savoir ce que vont penser les auditeurs ou les fans.
Lira Mondal : Ceci dit, tu veux quand même faire un truc que les gens aiment… Peut-être que ça a un peu plus d’importance pour moi que pour toi (rires). L’autre difficulté a aussi été de faire le tri : nous avons écrit beaucoup de chansons pendant l’enregistrement et il a été assez compliqué de s’arrêter sur une liste finale – nos choix changeaient parfois du tout au tout d’un jour à l’autre.
Caufield Schnug : On a dû enregistrer 150 démos – car les chansons passent souvent par plein de versions. On réenregistre parfois tout un morceau juste pour intégrer une nouvelle ligne de synthétiseur.
J’ai l’impression en écoutant votre musique que vos compositions ne se contentent pas de suivre une structure couplet-refrain classique : il y a comme une narration, une façon d’aller d’un moment à un autre, quitte à surprendre et à bifurquer.
Caufield Schnug : Nous sommes attachés aux constructions pop, mais il y a aussi une sensibilité anti-pop je pense – si les choses deviennent trop prévisibles, on préfère faire tout dérailler. Parfois, un court passage qui interrompt le flot peut rendre un morceau plus catchy.
Lira Mondal : Ça reste un processus assez intuitif, ce n’est pas comme si on s’asseyait pour déconstruire les structures de la chanson pop. L’important, c’est que l’auditeur reste captivé pendant toute la durée du morceau – que chaque moment fasse partie du voyage et soit marquant à sa manière.
Vos morceaux ont toujours été remplis de synthétiseurs analogiques imprévisibles, et c’est encore plus vrai sur le nouvel album, avec quelques passages mémorables – je pense à Walk In Place par exemple, qui a une couleur très new wave.
Lira Mondal : L’enregistrement de ce morceau a été une expérience exubérante. Nous avons un Casio CZ-5000 que j’adore et que Caufield déteste, et dont on a réussi à sortir ce son façon marimba, en se basant sur un preset de percussion passé sous distorsion. Sur le moment, j’ai repensé à certains moments sur Hounds of Love, quand Kate Bush sort au milieu d’un morceau un nouvel instrument flamboyant, juste à la limite du mauvais goût. Y’a aussi un côté musique de maison hantée pour les enfants, un peu flippant – je crois que c’est une façon de rendre hommage à mon économiseur d’écran préféré de Windows 95, qui me fascinait quand j’étais petite : une espèce de maison hantée, avec la lune qui passe dans le ciel, et parfois des choses qui te sautaient dessus. (rires.) Nous adorons les synthétiseurs. Actuellement, nous finalisons un autre projet, en parallèle de Sweeping Promises, plutôt orienté dance music, avec beaucoup de beaux claviers analogiques. Nous avons déjà huit morceaux terminés et avons un excellent nom de groupe, mais nous ne pouvons pas en dire plus pour le moment… On a écouté pas mal de house et de drum and bass, mais on s’inspire de plein de choses pour en faire encore une fois quelque chose de mutant.
Caufield Schnug : Ce ne sera jamais de la vraie house music ceci dit, parce que nous restons des punks dans l’âme ! La question va être de savoir maintenant quand on va pouvoir sortir ça sans être en concurrence avec nous-mêmes…
Lira Mondal : On pourrait faire des concerts en étant notre propre première partie.
Caufield Schnug : J’adorerais ça.
Vos chansons évoquent le post-punk, mais un certain type de post-punk qui semble souvent un peu oublié. Celui des singles auto-produits chez Rough Trade, celui de Lora Logic, de Girls At Our Best, de Liliput. Vous sentez-vous proches de ces artistes ?
Lira Mondal : Totalement. Il y a toute une histoire alternative du post-punk dans laquelle nous aimons nous inscrire. Des gens à la marge, à fin des années 70 et début des années 80, qui proposaient des expérimentations incroyables, au-delà des étiquettes, et que l’on ne redécouvre que maintenant grâce au travail de quelques archivistes. C’est un vrai foisonnement qui va plus loin que la vision très européenne et américaine de cette période, et qui a vu émerger des mouvements queers, féministes, et cela partout dans le monde. Nous aimons nous dire que nous sommes une extension de ça, des descendants de ces oubliés.
Caufield Schnug : Nous croyons dans le mythe de la réparation, l’idée que dans plusieurs décennies, si le monde n’est pas en ruine, certains artistes seront enfin célébrés pour ce qu’ils ont fait. C’est quelque chose qui nous a toujours fait avancer et que nous espérions voir appliquée à notre musique ! C’est drôle à quel point le post-punk est beaucoup plus codifié aujourd’hui qu’il pouvait l’être à ces débuts. J’ai vraiment une affection profonde pour tous ces groupes que tu mentionnes, ces surdoués qui créaient cette musique spontanée, informe et oblique.
Lira Mondal : Il y a une telle standardisation de l’esthétique du genre que j’ai l’impression que l’on a perdu ce qui était pourtant à son cœur : l’expression individuelle, pure, immédiate. Si nous aimons autant des groupes comme The Raincoats ou Liliput, c’est parce qu’ils ne s’encombraient pas à suivre des esthétiques passées – ils faisaient de l’art.
Good Living Is Coming For You est plus sombre que son prédécesseur, plus agressif par moment– comme si vous faisiez le constat que le monde devient progressivement merdique et qu’il est difficile d’y faire grand-chose.
Lira Mondal : Oui, c’est un bon résumé de l’album – tout est désespérant, et il est absurde d’essayer de se voiler la face. Toute l’écriture de l’album s’est faite pendant une période assez intense, aussi bien dans le monde qui nous entoure que du côté de nos vies personnelles. Cela se ressent musicalement, avec une certaine tension dans les arrangements et une production un peu tremblante, pour exprimer cette sensation d’existence précaire – comme si tout pouvait s’effondrer à tout moment.
Caufield Schnug : J’aime bien l’idée de faire de la musique vraiment négative. Ce n’est pas si facile : parfois des groupes essaient d’être très sombres et ténébreux, mais leur négativité semble un peu codifiée et convenue. Nous préférons essayer de montrer toutes les nuances de la négativité et les émotions qui peuvent en découler. On réfléchit souvent au concept des « protest songs », et comment éviter certains écueils de ce genre qui a tendance à trop prêcher ses messages, pour plutôt faire une musique autour du rejet de ce qui se passe, comme un appel à prendre les armes. Bon, évidemment, parfois, ça donne des trucs où l’on a juste l’impression qu’on se plaint du monde actuel – un problème assez généralisé dans le post-punk d’ailleurs (rires).
Lira Mondal : Pas mal de gens nous ont dit qu’ils trouvaient que certains de nos morceaux étaient des sortes d’hymne et j’aime beaucoup ce concept – comme s’il y avait une universalité derrière ces paroles très personnelles, une sorte de solidarité, de colère collective. Une façon aussi de dire que chacun possède les outils pour apprendre à survivre dans un monde qui essaie de vous éviscérer (rires).
Les voix aussi semblent plus féroces que dans l’album précédent – sur le morceau-titre, il y a un côté presque guttural, avec des cris rauques…
Lira Mondal : Ce titre-là en particulier a connu plusieurs versions avant d’en arriver là. Quand nous avons commencé à l’écrire, ça ressemblait à du Orange Juice, très jangle, et c’est Caufield qui a proposé de partir dans une autre direction. Je me souviens que j’étais assez frustrée sur le moment : on n’avançait pas, nous étions à la bourre sur des deadlines personnelles, et par pur esprit de contrariété, je me suis mise à faire ces espèces de grognements de colère. Caufield m’a immédiatement dit que c’était ce qu’il manquait au morceau ! C’est vraiment dans tout ce processus de réécriture et de réarrangement, en prenant plus de risques, que de telles idées vocales ont pu émerger. Je ne m’en croyais pas capable sur le moment, mais je suis heureuse d’avoir pu montrer ce côté plus effronté et sauvage dans mon chant.
Il y a une vraie identité du côté de vos artworks, avec ces pochettes très colorées et pourtant assez abstraites. C’est un aspect important pour vous ?
Lira Mondal : Oui, et c’est pour ça que nous avons fait appel au même artiste pour nos deux LP, David Strother. Je pense que son travail sur la pochette de Hunger For A Way Out a eu un vrai impact sur le succès de l’album : des couleurs vives et puissantes, et pourtant des images mystérieuses, comme des sortes de messages codés. Et j’adore ce qu’il a pu faire avec Good Living Is Coming For You : à la fois très basique, mais en même temps très dynamique et cinétique. C’est représentatif de notre musique d’une certaine façon : simple quand tu l’écoutes pour la première fois, mais, si tu prêtes attention, il y a une foule de variations, de détails, d’idées et de moments uniques qui se croisent. Et tout ça en utilisant uniquement les couleurs de base de la quadrichromie, qui peuvent être combinées d’une infinité de manières.
Le résultat est plus marquant qu’une simple photo de vous deux.
Caufield Schnug : Tu n’as pas idée à quel point c’est un sujet qui revient souvent dans nos discussions (rires). La presse veut avoir ces images de nous, et on déteste ça ! Toujours ce côté personnel de la musique indé, fuck that ! Rien à foutre de notre image ! Il y a vraiment une obsession bizarre à ce sujet aujourd’hui dans la musique…
Lira Mondal : Oui, c’est une sorte de glamour imposé : si tu es artiste, ça veut forcément dire qu’il y a quelque chose de spécial à propos de toi physiquement, qui mérite d’être vu, afin que l’on scrute ta beauté et la façon dont tu existes dans le monde. Nous, on ne veut pas que les gens sachent particulièrement à quoi on ressemble, à part quand ils nous voient sur scène. Ça éloigne de l’art pour rester sur les personnes. Je sais bien que l’on ne peut pas totalement séparer les deux… mais on essaie ! On pourrait faire comme Jandek…
Caufield Schnug : Exactement, tu n’as pas besoin de montrer la personne qui est derrière la musique.
Maintenant que vous avez votre propre espace pour enregistrer, est-ce que cela va signifier des albums plus fréquents pour Sweeping Promises ?
Caufield Schnug : On se réserve le droit de tout repousser éternellement mais, oui, notre troisième album est déjà fini ! Enfin, pas tout à fait, on a dû le réenregistrer, mais il existe !
Lira Mondal : Nous aimerions avoir la capacité de sortir de la musique aussi fréquemment que nous le désirons, mais ce n’est pas toujours possible. C’est d’ailleurs ce qui explique aussi le délai entre nos deux premiers albums, car nous avons dû faire face aux délais extrêmement longs pour le pressage du vinyle, avec à peu près un an d’attente.
Caufield Schnug : Un véritable entonnoir dans les usines… ou comme j’aime l’appeler, le « tueur de carrière » (rires). Ce n’est vraiment pas un format qui sert les artistes…
Lira Mondal : Il y a une vraie dépendance chez les petits groupes indépendants pour le vinyle, en tant qu’objet ayant du cachet. Et à côté de ça, tu as des artistes comme Dean Blunt qui sortent des morceaux du jour au lendemain en ligne !
Caufield Schnug : C’est pour ça qu’il y a un an, j’étais prêt à ne pas sortir de vinyle si c’était pour attendre aussi longtemps – on aurait vendu des cailloux à la place ou je ne sais quoi…
Lira Mondal : Cela nous a donné le temps de réenregistrer et de peaufiner Good Living For Coming For You, mais ça a été une vraie source de frustration sur le moment – que l’on retrouve là encore dans la colère de certains morceaux. Maintenant que c’est passé, je suis tout de même contente que nous ayons le vinyle.
La grande tournée qui s’annonce pour vous en Europe à l’automne ne passera pas par la France. Quand pourra-t-on espérer vous voir chez nous ?
Lira Mondal : Bientôt ! Nous devions y jouer en 2022, mais la situation sanitaire à ce moment-là ne nous permettait pas de prendre le risque financier d’une tournée en Europe, alors nous avons préféré annuler. Mais on croise les doigts pour y passer l’année prochaine. D’autant que nous sommes quelque peu francophiles… Je peux d’ailleurs te révéler une petite info : nous allons participer à une compilation anniversaire pour les 25 ans de Born Bad Records, prévue pour l’année prochaine, et nous allons reprendre une chanson des Calamités, Toutes les Nuits. Ce sera notre premier titre en français… depuis nos années de fac !
Caufield Schnug : Je viens du Sud des États-Unis où on a plutôt tendance à t’encourager à ne pas apprendre de langues étrangères, mais on a fait un peu de français pour nos études. Il faudra qu’on s’entraîne un peu cependant d’ici à ce qu’on vienne !