Strawberry Seas : « On essaye juste d’écrire des bons titres pop »

Rencontre avec une des révélations pop française de 2020.

Strawberry Seas
Strawberry Seas

Personne ne l’a vu venir, mais le premier album des Strawberry Seas est une des bonnes surprises pop de l’année. Enregistré rapidement et en live pour capturer la fraîcheur et l’énergie des concerts, les treize titres de l’album sont autant de singles potentiels. Si l’inspiration vient clairement de la scène indé des nineties, à aucun moment leur musique ne frôle le pastiche ou le plagiat. C’est en partie dû à la volonté de Carine et Raphaël, les deux compositeurs de groupe, de créer des pop songs qu’ils auraient envie d’entendre, mais aussi à une production chaleureuse et intemporelle. Depuis l’enregistrement de ce disque, les Strawbery Seas sont passés d’un quatuor à un quintette avec l’arrivée d’un guitariste additionnel. C’est au grand complet et confiné que le groupe nous a accordé une interview. Ils évoquent la rapidité avec laquelle tout s’est enchaîné de la création du groupe jusqu’à leur signature sur le label December Square, mais aussi leur frustration de ne pas pouvoir rencontrer leurs fans, et aussi les influences les plus étranges qu’on leur prête à tort.

Pourriez-vous revenir sur les débuts du groupe ?

Raphaël : J’ai joué quelques années avec Romain (batteur des Strawberry Seas, ndlr) dans un groupe qui s’appelait The Radiophones. J’ai également évolué avec Clément, le bassiste, dans une formation qui s’appelait LVOE. J’ai tout stoppé car j’ai commencé à en avoir marre d’évoluer dans un groupe. J’ai parfois un côté dirigiste qui faisait que je n’y trouvais pas mon compte. Je préférais composer à la maison avec Carine, avec qui je vis. Nous n’avions aucune ambition. On s’est pourtant décidé à sortir un titre, Summer’s Ending et de l’accompagner d’une vidéo. Romain et Clément nous ont dit à quel point ils aimaient ce qu’on avait produit. C’est devenu l’acte de naissance des Strawberry Seas. La première répétition a eu lieu en septembre 2017.
Romain : Un ami qui y assistait, a adoré et nous a proposé la première partie d’un concert qu’il organisait. Léger détail, il nous a bloqués une date trois semaines après la répétition. On a dû monter un set dans l’urgence.



Comment s’est effectuée la rencontre avec Antoine Chaperon qui est devenu le cinquième membre des Strawberry Seas et qui a également enregistré l’album ?

Antoine : Je savais qu’ils cherchaient un guitariste occasionnel. Je leur ai proposé de me joindre à eux pour un concert. J’avais un peu peur de pervertir leur musique car j’appréciais particulièrement l’équilibre qui existait entre eux quatre. Surtout que j’ai plutôt tendance à l’ouvrir (rire). J’y suis donc allé tranquillement. Si je suis encore avec eux aujourd’hui c’est que c’était la bonne approche. Il a tout de même fallu que je trouve ma place.
Raphaël : La dynamique va forcément changer car tu es arrivé pour jouer des chansons qui existaient déjà et qui ont été créés pour être joués avec une seule guitare. Le premier album est plutôt simple, le suivant risque d’être plus riche et dense.

Un premier album est souvent un recueil de chansons plutôt qu’un ensemble cohérent et réfléchi. Cela ne semble pas être le cas avec vous. Avez-vous écarté beaucoup de titres ?

Romain : Celui-ci est un one-shot. Nous n’avons pas tergiversé sur le choix des titres à inclure.
Carine : A peine composés, les morceaux ont été testés en live puis enregistrés dans la foulée. C’était spontané. Nous avons depuis beaucoup composé. La question du tri va se poser pour la suite.
Antoine : Il en ressort pourtant une cohérence. C’est aussi parce que nous avons tout enregistré en live en deux weekends. Lorsque je leur ai proposé d’enregistrer l’album, c’était une des conditions de départ. Nous voulions que ça sente un peu la salle de répétition… Je trouve que c’est ce que chaque groupe qui débute devrait faire. C’était un pari car nous ne savions pas ce que ça pouvait donner. Ça a bien fonctionné, mais nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de promouvoir l’album sur scène à cause du Covid. C’est dommage car les chansons ont depuis gagné en profondeur. Il est aussi frustrant de ne pouvoir rencontrer les gens qui nous disent à quel point ils aiment le disque.

Strawberry Seas
Strawberry Seas

L’album a été enregistré il y a maintenant un bon moment. Dans une situation normale vous seriez déjà tous au travail sur la suite. N’est-ce pas un peu frustrant d’être contraint à l’inactivité ?

Carine : Pour moi, non. Je suis tellement contente que ce premier disque existe et qu’il soit sorti dans de bonnes conditions. Ça valait le coup d’attendre. Le confinement va nous forcer à aborder une autre approche. Avec Raphaël, nous avons eu le temps de composer. Ça part dans des directions différentes. C’est plutôt positif car ça apporte un peu de fraîcheur.
Raphaël : Les autres membres du groupe n’ont pas encore écouté ces maquettes. Il y aurait de quoi faire un double album. J’étais déjà frustré du temps qu’a mis le premier album à sortir. C’est à l’opposé de mes méthodes de travail habituelles. J’ai l’habitude qu’il se passe un mois entre l’enregistrement et la sortie. J’ai maintenant digéré tout ça et, avec du recul, je n’ai aucun regret car s’il a fallu du temps, c’était pour bien faire les choses.
Carine : Le plus gênant est de ne pas pouvoir tester les nouveaux titres sur scène. C’est pour moi une étape nécessaire. Les répétitions permettent de faire le tri, de valider des morceaux, mais c’est en live que nous décidons si un titre doit figurer ou pas sur l’album.

Pourriez-vous nous parler de la scène musicale de Tours. Est-elle dynamique ou bien vous sentez-vous un peu isolés ?

Clément : Nous y sommes bien implantés. On connait pas mal de monde. Du coup tout s’est enchaîné rapidement. Répétitions, concerts, arrivée d’Antoine, enregistrement de l’album.
Raphael : Il n’y a pas vraiment de scène indie à Tours. Par contre il y a beaucoup de groupes issus de l’école de musique Jazz à Tours. Ils ont réussi à créer un style local plutôt distinctif. Un mélange de noise, de jazz, d’indie.
Romain : La multitude de couleurs musicales est impressionnante, mais nous sommes vraiment un groupe à part. Les groupes pop-rock se font rares. Dans ce sens oui nous sommes un peu à l’écart.
Antoine : La principale différence c’est que les gens issus de Jazz à Tours tentent de dynamiter les codes. Notre musique n’est pas aussi cérébrale que la leur. Si on joue régulièrement avec ces groupes, nous n’avons pourtant rien en commun.

Vous avez déjà un bon public sur Tours. Quelle a été la réaction du public aux concerts en dehors de votre zone de confort ?

Raphaël : Nous avons été étonnés car le public s’est montré réactif. Notre premier concert parisien a même débouché sur une signature avec le label December Square. Ça valait le coup de sortir de notre cocon (rire). Mais pour l’instant nous n’avons pas eu beaucoup l’occasion de jouer en dehors de Tours. C’était prévu, mais les dates sont repoussées à 2021 à cause de la pandémie.
Antoine : Les deux concerts du Supersonic à Paris étaient étonnants. Au bout de deux titres, et sans connaître notre répertoire, le public était hyper dedans. Ça nous a bien boostés pour la suite.

C’est peut-être lié au côté “feel good” de votre musique ?

Raphaël : Nous essayons juste d’écrire de bonnes chansons pop. On privilégie le songwriting. On embellit ensuite avec des arrangements. On nous dit souvent que nos titres sont catchy. Ça me fait plaisir de l’entendre même si ce n’est pas le but recherché.
Carine : ce qui est certain c’est que notre musique n’a rien de cérébral. On cherche surtout à créer une ambiance, pas un style.
Raphaël : Pour l’instant nous n’avons pas eu le temps de nous poser pour tenter autre chose que notre méthodologie pop. Ce sera peut-être le cas pour le deuxième album. Nous ne sommes pas encore prêts pour nous lancer dans les expérimentations. Notre Ok Computer n’est pas encore planifié (rire).

Pour revenir sur votre signature avec December Square, étiez-vous en recherche active d’un label une fois l’album terminé ?

Antoine : Nous nous sommes retrouvés avec un disque sans trop savoir quoi en faire. J’avais invité Emmanuel Tellier qui gère December Square à passer nous voir au Supersonic. Je ne pensais pas qu’il allait le faire. A la fin du concert, il est tout de suite venu nous parler pour nous dire qu’il avait aimé. Il ne savait pas que nous avions un disque de prêt. Tout est parti de là.

Carine, Raphaël, vous composez toutes les chansons ensemble. Imposez-vous vos choix en studio ou bien le groupe reste-t-il une démocratie ?

Raphaël : Certaines compositions apportées par Carine et moi ne fonctionnent pas du tout lorsque nous les jouons avec le groupe alors que nous étions convaincus de leur potentiel. Et vice versa.
Carine : Tout s’est fait tellement vite pour le premier que nous n’avons pas eu à réfléchir. Pour la suite, il va y avoir tellement de choix à faire que je ne sais pas comment ça va se passer. En général, nous sommes toujours d’accord sur les choix à prendre.
Clément : Tout le monde trouve sa place. Un équilibre naturel se crée. Carine et Raphaël composent tous les morceaux. Ce sont eux qui sont le plus à même de créer et développer une vision.

Les retours des médias sur le disque sont plutôt positifs. Savez-vous ce qu’en pense le public ?

Raphaël : Nous recevons majoritairement des messages de gens que nous ne connaissons pas qui nous disent à quel point ils aiment notre musique. Les seules critiques que l’on reçoit sont sur le fait que nous sonnons comme un groupe de revival 90’s. Personnellement je trouve qu’il y a pire comme critique !

Dans l’ensemble vos influences sont bien digérées.

Antoine : On se sent en territoire connu sans forcément arriver à définir à quoi ça nous fait penser. La musique des Strawberry Seas ne singe ni ne vole personne. Seuls quelques tics sont réutilisés. L’album évoque plein de choses, mais pas vraiment de trucs très précis. Chacun semble y voir quelque chose de différent.
Carine : De Neil Young à Pavement, il faut dire que le spectre de nos influences est assez large.

Les 90’s sont-elles vraiment la base de votre culture musicale ?

Raphaël : Les gens qui parlent de l’album évoquent souvent des groupes 90’s que nous n’avons jamais écouté ou que nous ne connaissons pas.
Antoine : La première fois que je vous ai vu en concert, je pensais que vous étiez des fans de Luna. A ma grande surprise vous ne connaissiez pas leur musique.
Raphaël : C’est parfois embarrassant car je dois faire semblant de connaître des groupes par politesse alors que je n’ai aucune idée de quoi parle mon interlocuteur (rire). Après j’y jette tout de même une oreille pour étoffer ma culture musicale. Ce que je comprends le moins, ce sont les références aux années 80. Ce n’est pas du tout notre culture avec Carine. On a comparé les Strawberry Seas à Echo & The Bunnymen alors que nous n’avons jamais écouté un de leurs albums en entier. Notre génération a plutôt écouté The Strokes et Arctic Monkeys.
Carine : Il est normal que l’on définisse notre son comme 90’s. On ne peut pas tricher, c’est ce que l’on écoute le plus. Personnellement, ça me rend fière car nous créons la musique que nous aimerions entendre.
Raphaël : Exactement. Si je découvrais l’existence d’un groupe comme le nôtre, je serais hyper content. Ça peut paraître prétentieux, mais c’est sincère.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *