Stranger Teens #4 : « Into The Groove » par Madonna (1985)

Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.

Madonna dans "Recherche Susan désespérément" de Susan Seidelman (1985)
Madonna dans « Recherche Susan désespérément » de Susan Seidelman (1985)

On ne sépare jamais de l’adolescent que l’on a été. Ni de ses disques – Into The Groove -, ni de ses films – Recherche Susan désespérément (Susan Seidelman, 1985) – et ni de ses stars –  Madonna -.  Madonna donc. Chaque disque de la Ciccone donne lieu à une transformation esthétique, chacun y allant de sa période préférée. Moi, la Madonna que je préfère, c’est celle de 1985, celle qui joue cette princesse de la rue habillée de bric et de brocs, assoiffée de vie et sexy comme jamais. Recherche Susan désespérément est, il faut l’avouer, un film médiocre qui n’existe, dans l’imaginaire collectif, qu’à travers sa chanson – Into The Groove – et bien sûr, Madonna qui éclipse par sa décontraction, par son naturel, la bien fade Rosanna Arquette.

Marylin Monroe et Tom Ewell dans "7 ans de réflexion" de Billy Wilder (1955)
Marylin Monroe et Tom Ewell dans « 7 ans de réflexion » de Billy Wilder (1955)

Madonna, n’ayons pas peur des mots, me fait penser ici, et ce sera la seule fois, à Marylin Monroe pour toutes les raisons évoquées plus haut – décontraction, naturel – mais également et surtout pour une scène, LA scène. Car comme il y a eu pour les cinéphiles la robe de Marylin Monroe dans Sept ans de réflexion (Billy Wilder, 1955) , il y aura pour les amoureux de la pop, le sèche-mains, ce sèche-mains où une Madonna en sueur vient d’abord se sécher les cheveux puis, sans que personne ne s’y attende, les aisselles. J’ai toujours vu dans ce moment de cinéma un clin d’œil – volontaire ou pas ? – à 7 ans de réflexion et sa scène à l’érotisme légendaire, cette robe blanche soufflée par la bouche d’aération du métro new-yorkais – « Vous sentez la fraîcheur du métro. N’est-ce pas délicieux ? » , lâche une Marylin, émoustillée par le souffle de l’engin qui passe entre ses jambes. Ce qui, à mes yeux, rend la scène de Recherche Susan désespérément plus forte, c’est que Madonna, elle, ne dit rien. Elle ne regarde personne, se dirige vers le sèche-main et elle offre aux spectateurs – et pas au metteur en scène, nuance – ce geste si naturel qui n’appartient qu’à elle. Je ne m’imagine pas une seule seconde qu’elle n’ait pas décidé à ce moment-là, d’improviser et de reproduire ce séchage d’aisselles, geste qu’elle a du répéter à l’envie quand elle passait ses nuits dans les discothèques new-yorkaises.

Et Into The Groove alors ? J’aurai, je l’avoue, passé mon adolescence à écouter Into The Groove avec ces images en tête. Mais en cachette – at night I lock the doors, where no one else can see –. Pourquoi ? La peur de. Vous savez, ces choses, l’incompréhension, les jugements, l’exclusion. L’adolescence quoi. Je n’avais pas à l’époque développer ces traits de caractère qui peuvent agacer – la mauvaise foi, l’arrogance, l’élitisme, le j’ai-toujours-raison – mais qui, avec le temps, m’auront, en quelque sorte, sauvé des autres et disons-le, de leurs goûts de chiotte.

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Tous ceux qui aiment la pop le savent, à partir d’une certaine béance, on n’y peut rien, les chansons s’engouffrent en nous. Into The Groove s’est engouffrée en moi, il y a de ça 37 ans, trente-sept années durant lesquelles, je l’ai, non pas oubliée, mais négligée, préférant les disques – et artistes – moins clinquants, avec, on va dire, un goût pour la vie moins prononcé. Par contre, à chaque fois qu’en boite de nuit, j’allais aux toilettes, je jetais un coup d’œil discret vers celui des filles espérant apercevoir celle qui, sans se cacher des autres, se sécherait les aisselles. Ce moment n’est, malheureusement pour moi, jamais venu – et heureusement pour elle d’ailleurs, je me serai senti obligé de lui raconter Marylin, Madonna, les aisselles etc etc …-. Aujourd’hui, peut-être grâce à Johnny Jewel et son label Italians Do It BetterBeatific de Glass Candy et ses lignes piquées tout droit à Into The Groove -, j’écoute désormais, sans rougir, ce vieux 45 tours, et porte un t-shirt Italians Do It Better – le même que Madonna dans Papa Don’t Preach. J’ai même fait encadrer un magnifique poster de la jeune Louise Ciccone. Il est dans mon antre, là où sont entassés disques, livres, objets divers et souvenirs. Un jour, peut-être, oserais-je l’accrocher dans le salon. Peut-être. Comment terminer ces lignes un peu bordéliques ? Par ces mots, tout simple, que j’adresse à l’adolescent que j’ai été.

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A toi
 
J’espère qu’après avoir lu tout ça, tu te sentiras moins seul. J’espère surtout que ça t’aura donné le courage qui te manque pour rejoindre cette fille que tu as rencontré et que tu t’apprêtes à laisser filer. Sache que derrière Into The Groove, c’est elle qui se cache sous les traits de Madonna. La fille assoiffée de vie, sexy comme jamais, lumineuse, celle que tu vois, c’est elle. Un conseil, ne la laisse pas s’échapper.
 
M./V.


Into The Groove par Madonna est sorti le 23 juillet 1985 sur Sire Records.

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