1984 : Je suis en 5e au collège Sancta-Maria à Villeneuve-lès-Avignon (petite ville assez bourgeoise située à 1 km exactement du centre d’Avignon) où ma mère est institutrice. J’ai commencé à découvrir un petit peu le monde merveilleux de la pop music l’année précédente quand ladite mère nous a orienté mon frère et moi vers deux cassettes des Beatles qui traînaient chez notre grand-mère je ne sais pas quel hasard et que nous nous empresserons de dupliquer sur la toute nouvelle chaîne hi-fi Amstrad que nos parents viennent d’acheter. Une face Abbey Road, une face la compilation bleue sur une cassette 90 mn chrome Philips ! À force d’écouter tous ces titres merveilleux en boucle, mon intérêt pour la musique était devenu de plus en plus important et j’avais commencé à acheter des disques (enfin plutôt à les faire acheter à mes parents de temps en temps à l’Intermarché local), avec des noms glanés par-ci par-là au collège avec quelques réussites (Seventeen Seconds de Cure, en boucle lui aussi) mais aussi des trucs moins glorieux (Alphaville par exemple).
C’est donc au cours de cette année 1984 que j’ai surtout eu un véritable choc, autant esthétique que musical quand, ayant eu la permission de regarder Les Enfants du Rock un samedi soir un peu tard, nous tombâmes mon frère et moi sur un groupe pop anglais vêtu de vestes, de casquettes à carreaux, de bretelles et de chemises blanches, portant des lunettes de soleil. Et surtout ce piano, un genre de piano droit un peu ancien installé dans un appartement au décor un peu vieillot. Et ce morceau pop parfait – cette rythmique imparable, ces cuivres, bref… LE choc. Il s’agissait de Madness interprétant Our House et à partir de cet instant c’était fini : j’étais devenu complètement amoureux de cette pop jouée par des mecs en costards avec si possible, du piano dedans. Ce morceau si particulier ne sonne pas du tout ska (comme beaucoup de titres de Madness en fait) et je n’avais bien entendu à l’époque aucune idée de ce qu’étaient le ska, les suedeheads ou les skinheads etc. Mais j’ai en revanche rapidement fait le lien entre cette musique pop anglaise et les grands de 3e qui arrivaient au collège avec des scooters pleins de rétroviseurs et des parkas avec inscrit au choix The Jam, The Who ou Mods à la peinture dans le dos avec toujours une flèche fichée quelque part dans le logo choisi. Curieusement, Avignon, et particulièrement mon collège, était à cette époque un véritable nid de jeunes mods hyper lookés, et je me demande encore pourquoi, d’ailleurs. J’étais fasciné par l’allure de ces types et j’allais (un peu plus tard) être moi aussi accoutré de la sorte, portant le costume cintré et la cravate été comme hiver, ne quittant qu’en cas d’extrême nécessité ma paire de lunettes noires à larges branches à la Jerry Dammers / Ray Charles.
Mais pour l’instant en cette année 1984, j’ai douze ans et quelques semaines plus tard, j’aurai à nouveau deux chocs presque aussi importants en découvrant dans la même émission de télé The Cure interprétant The Lovecats avec un piano quasi identique à celui de Madness (dans mon souvenir en tout cas) et surtout en copiant la cassette d’une camarade de classe qui contenait Hatful of Hollow des Smiths, qu’elle avait tout juste ramené d’un voyage linguistique en Angleterre et que je vais user jusqu’à la corde (je parle bien entendu de la cassette) pendant quelques années. Ce titre de Madness, que je trouve toujours aussi parfait 38 ans plus tard (et ce malgré le fait qu’il soit devenu un générique d’émission télé déco naze et entendu un million de fois), je crois qu’il a véritablement changé ma vie. J’ai gardé une affection particulière pour Madness, ces gars considérés par erreur comme des clowns bourrins et qui sont en fait des songwriters fabuleux (Embarassment par exemple). Our House m’a surtout ouvert la porte vers plein d’autres choses dont d’autres titres pop joués par des mecs en costards avec si possible, du piano dedans (comme Pretty Ballerina de Left Banke, Beat Surrender des Jam, Look Sharp de Joe Jackson…).
Il y a quelques jours j’ai fait écouter Our House à mon petit garçon en voiture. « Papa, elle est trop géniale cette chanson ! » Et il a voulu l’écouter 6 fois d’affilée.
Our House de Madness est sorti en novembre 1982 sur le label Stiff Records / Geffen Records.
Après avoir publié en 2019 un premier album sous l'identité Le SuperHomard, Meadow Lane Park, l’Avignonnais Christophe Vaillant (à droite sur la photo) s'est ensuite acoquiné avec l'Australien Maxwell Farrington (à gauche) pour imaginer une pop baroque et élégante. Salué par la critique comme le public, ce garçon moderne dont on comprend mieux aujourd'hui la passion pour les pianos droits compte parmi ses fans son héros de toujours, Paul Weller, qu'il a entre autres superbement remixé.