Il y a un truc que les Américains savent faire, c’est avoir une sorte de singer-songwriter charmant dans chaque (aéro)port. Ici, c’est l’Illinois, c’est Chicago, ça pourrait être n’importe qui mais c’est Spencer Radcliffe et «Everyone Else», très précisément.
Il y a quelques années (2015), un des ces titres discrets qui ont tout pour se faire oublier avait rejoint ma sélection favorite quasi-instantanément, ça ronflait bizarrement dans le fond, ça rentrait dans la tête facilement, ça s’appelait Mermaid et c’était sur l’album Looking In, avec sur la pochette un poisson qui regardait très absurdement un chat dans un bocal.
Ici, donc maintenant, on est encore sous l’eau avec ce nouveau disque qui s’appelle Hot Spring. Sur la pochette, l’eau crachée par une sorte de monstre-papillon est toute rose, des petits démons s’embrassent dans le fond, les anges ont des sexes, les chiens sont méchants mais on semble nous dire que tout ça, ben oui, « c’est la vie ! ».
Les histoires qu’on y retrouve sont simples et très bien observées, on imagine Spencer rêveur, noter ici et là les choses auxquelles on ne fait pas très attention et qui pourtant disent beaucoup du monde autour de nous. Les instrumentations qu’on y écoute sont simples et très bien balancées, elles n’ont pas l’air d’avoir demandé beaucoup d’effort – comment dit-on « laid-back » en français déjà ? – mais pourtant semblent donner au monde un goût d’évident. C’est très country-confortable, mais ça réussit à échapper aux écueils de l’ennui car ça n’est pas paresseux mais juste sincèrement détendu. Ça défile généreusement tout en guitare, parfois un peu de clavier, parfois un peu de vent, juste ce qu’il faut. Au milieu du disque le brouillard épais instrumental de Thick Fog enveloppe d’une complexité agréable. Avant on nous a parlé de neige et d’amour, ensuite que la vérité est compliquée, que parfois les choses font mal et que tout paraît étrange mais qu’il ne faut pas oublier de s’occuper de ses dents. C’est très bien écrit, ça parle du moment présent et de la nature, c’est mystique et surréaliste sans grandiloquence.
Et puis on a envie de bien vite tout réécouter parce qu’il y a plein de petits détails qu’on veut retrouver, des bouts de poésie qu’on a bien envie de reprendre de concert avec les chœurs. On pourrait croire qu’on a déjà entendu ça mille fois, mais il y a toujours ce petit retard dans la note qu’on attend et la voix qui nous chante ces choses simples avec cœur qui nous font tenir tout du long. Si vous voulez des moments gentils et doux, rire au éclats face au grand vide, vous remémorer que parfois les après-midi sont délicieux malgré la grisaille de ce monde compliqué et que c’est pas si grave d’être un peu loser, d’être un peu à côté, alors plongez sans crainte dans cette jolie source chaude qui soigne sans prétention les crises existentielles traversées.