Sous surveillance : Tiffanie de Falaise

Tiffanie de Falaise / Photo : Flore Layole
Tiffanie de Falaise / Photo : Flore Layole

Qui ?

Tiffanie, c’est son prénom et Falaise, c’est le village de Normandie où elle est née. Trentenaire et déjà plusieurs vies : un BTS (« en arts appliqués »), une école en cinéma, celle de la Cité à Saint-Denis, puis une signature en 2017 sur une major, avec l’histoire maintenant classique : sur des rails, contrat de trois albums, équipe dédiée à fond sur la pochette, les photos, le premier disque est en boîte et badaboum, le directeur artistique s’en va et les rêves de la jeune chanteuse avec. Mais Tiffanie n’en fait pas une maladie, elle en a souffert bien sûr, mais la page est tournée, et – le plus important – les bandes sont toujours sa propriété. La musique a juste quitté pour un temps cette sphère d’un avenir professionnel et cadré pour revenir à l’imaginaire et décupler un sentiment de liberté qui l’anime depuis toujours : « J’adore chanter, et j’ai commencé à composer pour chanter, c’est une passion de malade, je chante tout le temps ». Musicienne sans formation académique, elle évolue en solitaire, « tout est produit par moi-même », accompagnée de sa machine équipée en Logic pour les compositions et GarageBand pour enregistrer la voix. L’écriture des textes arrive en dernier : « Les textes apparaissent avec l’instru, je ne peux pas expliquer comment, la musique me parle, sincèrement ». Pas besoin de plus, si ce n’est une envie actuelle de réflexion sur la façon de diffuser sa musique, en « essayant des choses ». Une intellectuelle M.A.O.iste dans l’industrie de la musique.

Tiffanie de Falaise / Photo : Flore Layole
Tiffanie de Falaise / Photo : Flore Layole

Où ?

Rennes. Lieu historique de la pop française, dont Tiffanie connaît le patrimoine chargé, ville « enrichissante » où elle fréquente Bars en Trans, préférant « les petits lieux pour écouter de la musique, plutôt que les grosses foules ». Installée dans cette ville depuis quelques années, Tiffanie de Falaise y rencontre d’autres néo-rennais fraîchement installés, comme Liza et sa maison de disques Cartelle, par un jeu de rencontres interposées (notamment via le Jardin Moderne). Liza a un coup de cœur et Tiffanie se retrouve sur le volume deux de la compilation maison, entourée de Marie Delta (« Oh là là choquant »), ConcordskiIncroyable ») et Ile de Garde (« Super chanson »).

Quoi ?

« Je me sens toujours très en dehors de tout. On a souvent qualifié ma musique de pop. Quand je commence une chanson, je n’ai pas d’objectif de style, c’est extrêmement libre. L’ordinateur permet d’aller où on veut. C’est surtout un esprit que l’on retrouve à travers mes chansons. Je fais ce qui me fait du bien sur l’instant. C’est sensoriel, je pense à des bruits, des sons, plus qu’à des notes. Je ne réfléchis pas, c’est pour ça que j’aime faire de la musique. » Difficile de mettre un nom, donc, synth pop, allons-y gaiement, sur la musique de Tiffanie, d’autant plus qu’elle semble faire partie de ces musiciens et musiciennes qui partent de leur monde intérieur et d’un besoin existentiel de s’exprimer, plutôt que d’une liste d’influences alignées à côté de celle des courses. On lui soutirera bien qu’elle écoute – entre de grandes pauses, car « le silence c’est important » – Daft Punk et Michel Polnareff : le duo pour la façon dont ils « trafiquent » leurs sons, le chanteur à lunettes pour ce « grain » des vieilles chansons qu’elle kiffe. Nous, on l’associerait bien avec les filles électriques dont on a tenté d’écrire une définition, à l’occasion de cette chronique : sens de la pop inconscient, goût pour un certain psychédélisme minimaliste et électronique, amoureuses solitaires.

Dernière sortie + tube absolu

« Ma première sortie officielle », Le soleil est haut, tube à la thématique estivale, paru le mois dernier sur la compilation Cartelle, donc, comme si le Tropique de Muriel Dacq était entré en collision frontale avec une expérience de Laurie Anderson, tombant tout ce qui est superflu, se dépouillant jusqu’à l’hypnose, ne gardant qu’une sensation de chaleur.

Futur Proche

Beaucoup de chansons sont prêtes (l‘intense Insomnie s’est déjà échappé sur YouTube), beaucoup d’incertitudes demeurent : avec la question de leur diffusion comme moteur. L’envie de sortir de sa bulle aussi (« Je ne suis pas fermée aux collaborations »), et pourquoi pas de partager sa musique avec d’autres, des musiciens, changer de méthode (« Expérimenter les instruments, découvrir d’autres manières de travailler »), faire plus de concerts, sortir un clip rapidement et continuer la peinture et la couture (« pour varier les plaisirs »).


Déclarations tirées d’un entretien réalisé par téléphone le 11 juillet 2024. Le Soleil est Haut par Tiffanie de Falaise est sorti sur la compilation Cartelle Vol.2 que nous avons chroniqué ici.

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