Sous Surveillance : Diana Vaughan

Diana Vaughan
Diana Vaughan / Photo : Kiki de Saint Supplice

On ne va pas prétendre le contraire, nous n’étions pas dans les meilleurs dispositions au début de la soirée Womb au Sample à Bagnolet ce 16 janvier dernier. Nous nous y étions rendus pour écouter notre Ela Orleans bien-aimée, mais la nouvelle du départ de David Lynch, apprise quelques minutes avant le début de son set, nous avait coupé l’herbe sous les pieds. Il ne fut alors pas tellement question de s’attarder sur place, mais le destin en a décidé autrement. Juste après jouait un tandem totalement inconnu au bataillon, elle à la flûte traversière, lui à la basse, les deux aux synthés, qui apparemment n’en étaient pas loin de leur premier concert. Diana Vaughan, ce nom qui fait instantanément penser à une actrice hollywoodienne ou une auteure de romans du siècle dernier, n’est en fait que le nom de plume de Léo Taxil (*), un pamphlétiste anticlérical du XIXe. Suffisamment intrigant pour nous donner envie d’en savoir un peu plus.

Qui ?

« Nico Germina et Vincent Vey, on compose tout à deux, on écrit les paroles en espèce de ping-pong d’idées. En général, Vincent commence par composer une base de son côté et ensuite on fait le reste à deux en confrontant nos idées et nos instruments. Vincent joue de la basse, Nico de la flûte traversière et chante et on fait tous les deux du synthé et de la boîte à rythmes. »

Où ?

« On s’est rencontrés en 2021 dans un squat d’artistes puis tombés amoureux en 2022. On avait tous les deux plus ou moins des projets musicaux solo chacun de notre côté. Nico avait étudié la flûte traversière alors qu’elle était enfant, puis beaucoup plus tard a composé quelques démo qu’elle a posté sur son SoundCloud. Vincent faisait beaucoup de beat-making dans sa chambre sans rien trop sortir de concret. Quand on s’est rencontrés, ça a été comme une évidence de faire de la musique ensemble. On a commencé par une reprise de J’aime les filles de Jacques Dutronc qui n’est sorti que sur SoundCloud puis on a commencé à développer notre univers musical dans le but de faire quelque chose de plus concret. »

Quoi ?

« Dans ce projet, on ne s’est pas spécialement appuyés sur des références, on a essayé de composer le plus instinctivement possible pour créer une synthèse de nos deux esprits créatifs. Mais il est inévitable que le fait que l’on gravite dans la scène underground depuis plusieurs années a eu un impact sur notre musique. Bien que ce soit galvaudé de dire ça, on a tous les deux des goûts très éclectiques. Vincent a été fan de metal puis de rap pendant de nombreuses années avant de s’ouvrir à d’autres horizons. Nico a une grande culture indie /DIY et a fait découvrir à Vincent pas mal de truc de la scène actuelle (Reymour, Eye, Drinks, etc.), et diggue aussi bien des pépites obscure No Wave dans l’émission Lucie et Nico vont en bateau (Lyl Radio/SonicProtestRadio) que des banger shatta dans le cadre de ses DJ set. On a aussi beaucoup cotoyé la scène punk/hardcore/noise. »

Comment

« Notre mode opératoire est vraiment très bedroom pop. Tout à été composé dans notre salon, avec un synthétiseur FM des années 80, une boite à rythmes, une basse branchée en DI, une flûte, un ordi, un micro. Du home made ! On aimerait bien faire du studio plus tard aussi, pour l’instant on a fait avec ce qu’on a sous la main. »

Dernière sortie

Nous sommes encore si loin du jour est leur toute première sortie, une K7 joliment ouvragée (mention spéciale à Faustine Duval pour les visuels) sortie chez leurs amis de Womb Music, dont c’est la seconde sortie après l’EP de Bulie Jordeaux. Un six titres magnétique où la voix de Nico chante au lointain, accompagne de flûte traversière, de basse sombre et de claviers synthétiques. Une beauté sans âge, comme un tourbillon mélancolique.

« Dans le processus d’écriture et de composition, on était assez d’accord sur le fait qu’on voulait pas spécialement créer de narratif dans nos paroles. On est des amoureux des jolis mots et des belles formulations, c’est plus comme ça qu’on a écrit le projet. On a des visions relativement similaires des morceaux comme s’ils étaient des sortes de tableaux, de reflet de notre imaginaire et de notre esthétique commune, un côté pictural. »

Fascination

« Un de nos points communs, c’est notre fascination pour l’esthétique de la religion catholique. Vincent a grandi là dedans, Nico pas du tout bien au contraire. Très vite, on a partagé cet amour d’aller visiter des églises, des cimetières. Notre premier voyage ensemble était à Lisieux en Normandie, ville de Sainte Thérèse et depuis, elle nous a quelque peu suivis partout au gré de hasard dans nos lectures, nos visionnages et autres. On a écrit le projet en l’ayant toujours dans un coin de la tête tout en cherchant (encore une fois) à ne pas être narratif, littéral ou bien à raconter sa vie en la prenant comme personnage. Dans cette esthétique, on y voit une espèce d’évidence poétique (la création, la mort, le sacrifice, le désir refoulé ou assouvi, la culpabilité du péché originel…) qui en fait un outil très prolifique pour écrire des chansons. On aimerait que chacun puisse se construire l’imaginaire qu’il ou elle a envie d’y voir. »

A venir

« Pour l’instant, on a trop envie de continuer à faire des concerts partout où il est possible d’en faire ! On est vraiment très surpris (agréablement) des retours qu’on a sur l’EP parce qu’en vrai on s’attendait un peu à rien, donc trop envie de continuer à partager avec différents publics. On continue aussi à composer dans notre petit appart mais comme pour le premier on prend notre temps on fait les choses petit à petit. »


Nous sommes encore si loin du jour par Diana Vaughan est sorti chez Womb Music

* Note au sujet de Léo Taxil par Nico : "Il a utilisé ce nom pour écrire des canulars dans la presse. Il se faisait passer pour Diana Vaughan, une soit disant prêtresse satanique qui se serait convertie au christianisme après avoir entendu l’histoire de Jeanne d’Arc. Sainte Thérèse a été très touchée par cette histoire et lui a dédié plusieurs prières, une lettre et une séance photo où elle s’est déguisée en Jeanne d’arc. Léo Taxil a ensuite dévoilé la supercherie ce qui a plongé Thérèse dans un profond désarroi. Elle est morte peu de temps après. Ça semblait être un bon nom au vu des thèmes que l’on chérit."

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