Sinaïve, Dasein EP (Buddy records) / Reprise Party (Langue Pendue)

Dasein Sinaïve

Il y a bien longtemps, dans une très petite galaxie fort lointaine, nous nous battions, parfois à mains nues mais surtout verbalement, au sujet de l’usage de la langue française dans un contexte noisy pop. Nous hantions, faute de collectif, nos propres chapelles et le résultat fut que finalement, ce fut hors du bruit que les choses se sont jouées.

Trente ans plus tard, je me permets de reformuler un potentat.

Vous n’aviez jamais rêvé d’un groupe qui cristalliserait tous vos rêves d’adolescent mais en mieux, de voir la charge de l’intelligence défoncer, la serpe à la main, tous vos misérables renoncements ?

Sinaïve
Sinaïve / Photo : Mathieu Wernert

Un groupe qui serait tellement concentré à concasser tant de choses qui ont compté pour vous au point d’en paraître nonchalant?

Un groupe dont le son et la mystique se hisserait, non sans peine car c’est un work in progress, vers l’Everest Spacemen 3 ?

On m’a longtemps vendu Sinaïve comme cette entité et bien sachez que désormais, c’est une vérité difficilement contournable. Je n’en suis pas surpris outre mesure. Et j’attends, une moue cynique et un bol de slime au pus bien planqué dans le dos, les petits Jacques qui diront : non mais c’est nul ton truc andiré….

Oui, on dirait ce moment où My Bloody Valentine cesse de se balader entre l’antre des Cramps et la petite taverne des cutie mongol pour devenir le meilleur tribute band ambient à Hüsker Dü (Avec Elle).

Oui, on dirait que des gens n’ont pas seulement écouté du black métal pour faire genre, ils en font avec des baguettes chinoises (Paradoxe Français), avec un dilettantisme qui a tout compris mais n’a rien à voir.

Oui, on dirait ce moment où par amour ou pacifisme, j’ai finalement trouvé que Lucie Vacarme, ça n’était pas si mal.

Et ce n’est pas franchement un hasard si Sinaïve reprend Diabologum, Jimi Hendrix, Birthday Party, Kraftwerk, Bashung, Stereolab ou même Curtis Mayfield sur une cassette en or, j’entends que la jaquette comme le contenu y sont aurifères, éditée par nos collègues de Langue Pendue.

Regardez un peu cette liste, que des passeurs à la dynamite, des artistes qui ont su conjuguer la politique et la poésie, la mutinerie et la tendresse.

Ça fait peut-être beaucoup d’un seul coup mais ça n’est pas rien. Pour le reste, le bureau des réclamations a fermé depuis longtemps. Car ce qui se joue ici, encore parfois très mal, mais de mieux en mieux, est vital, régulièrement au-dessus de tout et tout à fait bouleversant. Là où l’amateurisme et la candeur séduisaient déjà, il y a désormais une jeunesse en guerre.

Là où tout le charme de l’indolence et du je-m’en-foutisme simulé faisait effet, il y a désormais une bombe thermonucléaire.

Ça n’est pas tout les jours que le spectre s’étend de Métal Urbain, via Suicide aux Field Mice. Car si elle semble douce cette musique est rêche, violente, en mouvement, comme du Big Black nourri au marshmallows plutôt qu’au kérosène. 

Le fameux potin est devenu bruit salvateur.

La jeunesse sonique n’est plus un fantasme, il était grand temps.

Et pour une fois je ne dirais pas « et merci bien » mais Dieu merci.

A écouter aussi : Le podcast de notre émission TRANSMISSION #46 sur Rinse France avec Sinaïve en guest
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