En pleine pandémie, lassé d’entendre souvent les mêmes choses sur bandcamp, Yan Skene, une des têtes pensantes de Bleu Nuit, groupe de post-punk mélodique de Montréal en pause pour le moment, à l’envie de créer un label qui propose des sorties obscures et inclassables. C’est chose faite avec Contact Minimal Records. « Je cherche à sortir des artistes émergents de partout à travers le monde et d’offrir également des compilations d’artistes 70’s-80’s. C’est important de rendre hommage aux pionniers. »
En résulte donc un catalogue riche, allant du post punk cinglant et anguleux tel Rare Spam, Peitsche et Coins Parallèles – son projet solo dont le prochain EP Alter Ego Club a pour influences Gang of Four et Liiek. Yan a su aussi dénicher des perles oubliées et obscures, notamment celles de l’Anglais Kevin Thorne alias We Be Echo qu’il a compilé lui-même. Le groupe Québécois Pop Stress que l’on retrouve sur la superbe compile de post punk et new wave Nome Noma et dont Yan exhume une cassette live de 1981.
Touche à tout, Yan fait contribue à La Cache à Bières, collectif et magasin Montréalais spécialisé en bières originales et locales. Derrière le comptoir, il envoie quelques pépites, dont il nous nous partage dix titres, entre légendes, projets obscurs à tendance électronique, post punk anguleux et plus traditionnel.
01. Buzzcocks, You Say You Don’t Love Me de A Different Kind Of Tension
C’était important pour moi de rendre hommage à un groupe auquel j’ai pris un certain temps à m’attacher. Je reviens tout juste d’un voyage à Londres et Manchester, et c’est là que j’ai vraiment embarqué dans l’univers artistique de Pete Shelley. J’ai opté pour la chanson You Say You Don’t Love Me à cause de son écriture soignée et du petit côté kitsch dans les paroles. Vous êtes probablement tannés des chansons d’amour, mais pas moi, et cette pièce se démarque très bien. C’est comme un mélange parfait entre punk et pop, exécuté de manière brillante, et ça glisse super bien. Plus je l’écoute, plus je m’inspire.
02. Das Wettbüro, Scarabée dans le café de Gewinnt Immer
Pour moi, c’est l’un des projets qui est passé le plus inaperçu en 2022. Je suis complètement accro à leur musique, incapable d’arrêter d’écouter. Ça évolue habilement entre des vibes disco et un son Krautrock qui se dirige tout droit vers le Kosmische, le tout avec une petite touche de House typique des années 80. Scarabée dans le café, c’est l’extrait qui incarne parfaitement l’essence de Das Wettbüro. L’échantillon utilisé me fait toujours sourire, et ça ajoute une valeur incroyable à leur musique. Je vous encourage vraiment à investir votre argent dans cet album et ce dès maintenant. Vous ne serez pas déçus, croyez-moi. Go.
03. Conditioner Disco Group, No Concepts
J’avais vraiment accroché avec le 45 tours intitulé Unconditional de ce groupe de Portland. En fouillant sur Bandcamp à la recherche de nouveaux sons, je suis tombé sur leur album. Ça a été une vraie claque. Pour véritablement plonger dans l’univers de Conditioner Disco Group, faut être dans l’état d’esprit d’ESG et des vibes sonores étranges qui grincent un peu. Leur musique mélange le mutant-disco, des clins d’œil au proto-punk, et une touche no wave assumée à fond. J’aime bien écouter ce groupe quand je me plonge dans la composition pour Coins Parallèles. Leur vinyle est justement en solde sur leur Bandcamp. Allez.
04. Naomie Klaus, Can You Tell Me What Is Micronet?
En moins de sept minutes, Naomie Klaus nous plonge profondément dans l’univers du système Micronet. Que ce soit à travers l’utilisation d’échantillonnage ou du spoken word, vous serez captivés. Les rythmes entraînants m’ont accroché dès les premières notes, et les synthétiseurs, qui oscillent entre l’audace et le clownesque, ajoutent une touche étrange à l’atmosphère sombre et mystérieuse des paroles. J’admire les artistes qui brisent le quatrième mur en nous offrant une véritable expérience artistique, où le langage corporatif rencontre une musicalité expérimentale influencée par le Japon. C’est un album parfait pour dormir, dans le meilleur sens du terme, bien sûr.
05. LSW, Denke nur nicht das Gefühl
J’ai pris près d’un an a vraiment écouter ce disque, alors que c’est de la bombe. J’étais captivé à apprécier en boucle le premier LP de Life Style West. Véritable laboratoire musical où il ose mélanger la trance, le dub, l’acid, et le downbeat de manière audacieuse. Denke nur niche das Gefühl, c’est clairement un hommage au Krautrock et aux débuts révolutionnaires de Kraftwerk, mais avec une touche moderne et chic en bonus. Chaque fois que je l’écoute, je découvre de petits détails dans la production et les arrangements. C’est essentiel pour moi d’éprouver ce sentiment de j’en veux encore quand je découvre un album. En plus des paroles qui abordent la décadence occidentale avec une poésie impressionniste qui portent un message puissant que Life Style West communique, montrant que le punk reste indéniablement élégant. Et cette pochette. Véritable chef-d’œuvre signé par l’artiste visionnaire Murat Önen.
06. PAL, Theatre’s Grid
PAL, un trio d’artistes de Bruxelles. Ce groupe sait parfaitement mélanger le dub et l’ambient avec leur morceau Theatre’s Grid. Ils nous offrent une expérience sonore vraiment unique, une belle dédicace au magnifique Parc Royal de Bruxelles, qui se trouve à deux pas du QG du label Kiosk Radio. Cette chanson dégage une énergie ensorcelante et une ambiance relaxante qui saisit magnifiquement l’essence naturelle du parc, tout en reflétant la diversité musicale de ce groupe. Leur musique se situe quelque part entre le downtempo, la wave, l’ambient et le dub, créant ainsi une fusion sonore à la fois intrigante et captivante. Cet album est parfait pour une balade à vélo, en solo ou en bonne compagnie, quoi.
07. Virna Lindt, The Dossier On Virna Lindt
La référence est incontournable dans mon cas, et je vous explique pourquoi. Vous devez écouter l’extrait en me lisant. Merci. J’entre dans un disquaire et je suis immédiatement captivé par cette mélodie envoûtante. Je me laisse porter en déambulant à travers les sections, et ma concentration s’évade. Je retrouve le fil parmi les vinyles 45 tours punk, mais mon intérêt est tout de même perturbé. Je me dirige vers le vendeur pour lui demander ce qui joue en arrière-plan, et c’est là que je fais le rapprochement. J’identifie Virna Lindt qui résonne, alors que le vinyle diffuse un extrait démo de The Dossier On Virna Lindt. Une voix langoureuse, une ambiance sensuelle et des arrangements à vous faire saliver. Destin ou pur hasard ? Je quitte la boutique avec ce single comblé, alors que l’album complet m’attend à la maison.
08. EXEK, Beyond Currency
Combien de fois j’ai écouté l’album ? Pas assez. J’ai eu de la difficulté à choisir parmi les 8 chansons de ce disque, mais j’ai finalement opté pour Beyond Currency. Selon moi, Exek incarne parfaitement le neu krautrock en offrant une production novatrice qui mélange la dub, la réverbération des années 60, et un côté Syd Barrett ultra relax et assumé. J’ai repéré des allusions à George Orwell dans les paroles, que j’admire, et cette critique des bourgeois de Collingwood en Australie me fait toujours bien rigoler. C’est rafraîchissant de voir des groupes qui cassent autant les conventions, que ce soit sur le plan musical ou lyrique. Ça manque et c’est nécessaire à la musique d’aujourd’hui.
09. Tuxedomoon, 2000
Une collection de chansons vraiment incroyable et variée, mais c’est vraiment la pièce 2000 de l’album You qui a ce petit je-ne-sais-quoi de bien spécial. Parfois, ça sonne comme une trame sonore, parfois, ça donne une vibe d’Halloween. J’ai trouvé cet album dans la boutique d’un disquaire qui vend surtout du Pink Floyd et des Beatles, tu vois le genre (c’est très bien, je ne dis pas le contraire) ? Inattendu, mais agréablement surpris de mettre la main dessus, alors je me suis dit que ça valait la peine de l’écouter. J’pense que c’est l’un des rares groupes qui osent utiliser la basse de manière super présente dans n’importe quel contexte. Ça marche vraiment bien dans cet extrait où elle sert de percussion pour accompagner le saxophone sensuel et un peu creepy en même temps. Ça me donne encore des frissons.
10. Philippe Sarde, La lettre de Rosalie
D’une beauté renversante, mon amie Marie serait sûrement d’accord, c’est certain. Étant un méga fan de spoken word, j’ai senti le besoin d’ajouter un extrait dans ce style. Pourquoi pas piger chez le grand compositeur de musique de film, Philippe Sarde. Les mélodies s’entremêlent entre trompette et violon pendant que Rosalie, dévoile de façon vraiment décalée ses émotions à César. L’album est tellement magnifique que je n’ai pas pu m’empêcher de me gâter avec la version 12 pouces et 7 pouces de ce morceau.
A venir sur le bandcamp de Contact Minimal : le duo swampy synthétique Bordelais Drunk Meat le 20 Octobre, et de la musique tendance EBM et synthétique Contact Minimal, qui n’aura qu’en commun avec sa précédente sortie que l’avant-gardisme et l’envie de faire évoluer sa musique.