Selectorama : R. E. Seraphin

R. E. Seraphin / Photo : DR
R. E. Seraphin / Photo : DR

Pour son second album Fool’s Mate, Ray Seraphin confirme et prolonge les belles promesses déjà saluées en ces colonnes il y a quatre ans. Membre désormais éminent de la scène indie californienne, il témoigne d’une érudition impressionnante sans pour autant sombrer dans le pastiche révérencieux. Du bruit, des mélodies et du style : on retrouve ces mêmes ingrédients dans la sélection proposée.

01. Robyn Hitchcock, The Man Who Invented Himself

Pendant l’enregistrement de Fool’s Mate, je me suis replongé dans le premier album de Robyn Hitchcock, Black Snake Diamond Röle (1981). Ses mélodies sont vraiment incroyables mais j’apprécie aussi énormément ses récits surréalistes, même s’ils sont parfois un peu écœurants. J’ai essayé de prolonger cette approche presque chaotique de l’écriture sur mon album. Et je crois bien que les parties de cuivres sur cette chanson ont constitué une inspiration indirecte pour la trompette que l’on entend sur Argument Stand.

02. Magazine, Rhythm Of Cruelty

Joel Cusumamo qui joue de la guitare sur Fool’s Mate et moi-même sommes tous les deux de grands fans de John McGeoch. Sur un plan stylistique, c’est un interprète parfait : punk, mais pas simpliste ; compétent mais pas trop raide. Ce morceau de Magazine condense toutes les qualités des riffs de John McGeoch : les ondulations de la flanger, la précision chirurgicale dans le choix des notes, l’accroche immédiate et facile à mémoriser. Joel a tenté de s’en inspirer, notamment sur End Of The Start et Somnia.

03. Sinead O’Connor, Jump In The River

Un ami nous a suggéré, sans véritable conviction, d’enregistrer une reprise de ce morceau en insistant pour que nous y passions le moins de temps possible. Cela n’a pas vraiment été le cas et il nous a fallu travailler sur plusieurs prises avant de nous décider à publier celle qui sert de conclusion à l’album. Il y a quelque chose de sinistre et désespéré dans les paroles qui colle, je trouve, assez bien avec mes propres chansons. Ce qui n’était qu’une suggestion amicale lancée en l’air a fini par se transformer en un hasard bienheureux.

04. Big Star, You Get What You Deserve

En dépit du nombre important de titres anglais dans cette sélection, j’ai plutôt tendance à revendiquer une identité artistique américaine en matière de rock. Mais j’ai peut-être tort puisque mes groupes américains préférés ont tous été profondément marqués par les Beatles. Pas besoin d’en rajouter quand il s’agit de Big Star mais la guitare déchirante d’Alex Chilton sur Radio City (1974) est certainement l’influence la plus déterminante sur le morceau Fall.

05. Wire, Map Ref

Josh Miller, le bassiste de mon groupe, a rendu hommage à cette chanson via la ligne de basse sur Contraband. Je dois dire que les ressemblances avec Wire s’arrêtent là mais il n’y a jamais de raisons insuffisantes pour partager ce morceau.

06. Richard & Linda Thompson, Wall of Death

Au cours des dernières années, j’en suis venu à apprécier de plus en plus les œuvres de Richard et Linda Thompson. Il y a une forme d’humour noir et d’auto-dépréciation dans leurs chansons que j’adore. Dans la vie, je trouve que c’est important de dénicher un peu de légèreté dans les moments les plus pénibles et j’essaie toujours de transposer cette conviction personnelle dans mes chansons. Sur le dernier album, Expendable Man et What We Don’t Know s’inscrivent dans cette veine tragi-comique en dépit de leur sujet de départ plutôt sombre.

07. Willie Nile, Vagabond Moon

Je ne connais pas grand chose de Willie Nile en dehors de son premier album mais j’aime beaucoup le côté rustique et enfiévré de cette chanson. Je pense que, de temps en temps, ces racines musicales très américaines imprègnent aussi mes compositions. J’ai hésité entre ce titre-ci et un morceau de Tom Petty : j’ai donc opté pour le moins connu des deux. En plus, Jay Dee Dougherty et Fred Smith l’ont accompagné : c’est cool, non ?

08. John Cale, Taking It All Away

J’essaie d’inclure une reprise dans chacun de mes albums et ce titre a été en concurrence avec la chanson de Sinead O’Connor. J’ai même enregistré une démo un peu boursouflée, à la Ramones de ce morceau qui a été publiée en format digital par Take A Turn. Quand je travaille sur une reprise, j’essaie de transformer l’original suffisamment pour que ma version tienne la route par elle-même et je n’ai pas eu l’impression que j’en étais capable avec cette chanson. En vérité, ce n’est pas facile de rivaliser avec John Cale !

09. The Mekons, Millionaire

J’espérais pouvoir échapper aux années 1970 et 1980 dans cette sélection et j’y suis parvenu in extremis (un tout petit peu). La discographie des Mekons est admirable et tentaculaire. J’attends toujours de tomber sur un mauvais album qu’ils aient signé. C’est un groupe dont la capacité à brouiller les frontières entre les styles et les genres m’a beaucoup influencé. J’ai envie que chaque album soit différent du précédent et que, en même temps, on puisse toujours identifier mon style. C’est impossible et c’est pourtant ce que sont parvenus à accomplir les Mekons tout au long des décennies. Cette chanson très belle et très irrévérencieuse, interprétée par Sally Timms est une de celle que j’écoute le plus en ce moment.

10. Daniel Ash, Get Out Of Control

Je fais sans doute partie de cette minorité de gens qui préfèrent Love And Rockets aux autres projets, pourtant plus souvent appréciés, de Daniel Ash. Je les ai toujours considéré comme un groupe de bubblegum et j’aime justement ce côté de leur musique très naïf, semblable à un dessin-animé. Cette chanson laisse transparaître une vénération que je partage pour T-Rex ou pour The Jesus And Mary Chain période Automatic (1989). Je considère également que je me suis souvent inspiré de Daniel Ash au niveau du chant et je voulais lui rendre hommage.


Fool’s Mate de R.E. Seraphin est publié par Take a Turn

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