Selectorama : Malik Djoudi

Malik Djoudi
Malik Djoudi / Photo Hannah Molin

Si on le voit dériver hors du monde sur la barque instable du clip de Tempérament, le single déjà connu qui ouvre son deuxième disque et lui donne son titre (Tempéraments, au pluriel), gageons que la carrière multiple de Malik Djoudi a déjà tangué et visité des océans d’indifférence, avant que sa musique ne se fasse véritablement remarquer. Le Poitevin d’origine en a eu des projets divers, des groupes anglophiles du cru Alan Cock, Kim Tim ou Moon Pallas, à une commande pour la télé-réalité, lui permettant de déranger ses influences indies anglo-saxonnes pour trouver son style en retrouvant son chant (en français) pour dévoiler en son nom propre un premier album auto-produit Un (2017).

Malik DjoudiMis en avant par La Souterraine, ce recueil de 8 chansons le porte sur le devant des scènes de France et d’ailleurs, lui valant la signature sur le label Cinq 7, et la caution du grand manitou pop, Etienne Daho, qui l’invite à faire ses premières parties, après une rencontre au Midi Festival de Hyères. L’addictif Sous Garantie dévoile une disco sous tranquillisant, sensuelle et addictive. Le reste déroule des vagues de sensibilité, susurrant une pop synthétique déconcertante au milieu des boucles rythmiques languides, du chétif Peur De Rien au final Séquence Con qui s’interroge ouvertement sur la durée des sentiments : Est-ce que tu m’aimeras pour autre chose ? La suite tant attendue esquisse une palette d’émotions, de nuits bleutées en matins gris. Djoudi a collaboré avec Ash Workman, à la console sur le grand The English Riviera de Metronomy notamment, et l’a retrouvé à Margate, au bord de l’eau toujours, pour enregistrer le digne successeur de son premier élan en solitaire.

La voix androgyne du chanteur, perchée sur des mélopées minimalistes, une guitare, quelques effets et des claviers, égrène un romantisme à la gueule de bois, avec une pudeur non feinte et une sincérité surprenante. A la première personne toujours, le bientôt quadragénaire dit avec des mots simples les désillusions et les envies, l’impossible et l’attente, et signe des aphorismes (J’lésine, En bleu jean) que n’aurait pas reniés le duo Bashung / Gainsbourg de Play Blessures. La tempête pointe sur Epouser La Nuit, avec des élans à la manière de The XX sur leur première (et unique ?) réussite, dans un habit de crooner dérisoire à la Christophe (J’veux du love). De l’autoportrait décalé de Belles Sueurs à la liaison avortée d’Histoires D’Autres, cette variété d’after s’inscrit dans une tradition mélancolique hexagonale, revisitée dans le bourdonnement électronique des machines (et des esprits). Malik retrouve son inévitable mentor Etienne, le temps d’un duo que Philippe Zdar a pris le temps de mixer, et qui sonne comme une tentative postmoderne de recycler les onomatopées chorales des Beach Boys, comme auparavant Divine de Sébastien Tellier ou Bro’s de Panda Bear. En fin de traversée, Au Jour Le Jour signe un nouveau tube de poche accrocheur, dans les pas (de danse) des Junior Boys, tandis que Train De Nuit referme de nouveau ce second album sur une envie d’ailleurs : Puis-je goûter une autre vie, Goûter autre chose. Pour Section 26, Malik Djoudi offre ses coups de cœur actuels, éclatés en une sélection bariolée, en parfait complément à l’univers des Tempéraments feutrés de son auteur.

1. Bob Lind, Cool Summer (1966)

« Parfait pour la route, cette voix se pose tranquillement, je me laisse emporter… Elle me rappelle de bons souvenirs. J’aime la simplicité dans ce morceau, dans lequel tout est dit… »

2. Kokoroko, Abusey Junction (2018)

« J’ai découvert ce morceau à l’étranger, si poétique dans sa musique, et qui mêle parfaitement différentes influences. J’adore les thèmes qu’il aborde, les voix… »

3. The Rapture, Olio (2003)

« Ce morceau ouvre le disque Echoes, paru en 2003 sur le label DFA. La voix de Luke Jenner me rappelle Robert Smith dans sa jeunesse. »

4. Khruangbin, White Gloves (2015)

« Je les ai découverts l’an dernier, à l’occasion d’une tournée en Belgique. On partageait le plateau avec Halo Maud et Khruangbin, et j’ai vu pour la première fois ce trio très sensuel, qui provoque chez moi un certain laisser aller… Idéal pour l’amour… »

5. Dawn Of Midi, Dysomnia (2013)

« Je sélectionne l’album Dysomnia, car il peut se lire en un morceau, et est l’œuvre d’un trio acoustique qui ressemble à l’électronique. Ici j’adore la polyrythmie, la pertinence, la transe, ces boucles qui s’installent, ce piano qui peaufine… »

6. Tsegué – Maryam Guèbrou, The Homeless Wanderer (Ethiopiques vol. 21 : Emahoy, 2006)

« Parfait pour un dimanche, en amoureux, pour cuisiner ou manger au coin du feu… »

7. King Krule, Out Getting Ribs (2013)

« En 2013, un ami m’envoie ce morceau, et j’en reste bouche bée, avec presque les larmes aux yeux. Ce titre de King Krule, qui était encore toujours un gamin à l’époque, seul avec sa guitare et cette voix singulière, me touche au plus profond de moi-même… C’est aussi l’un des meilleurs concerts auquel j’ai assisté en 2018, de par son insolence, son côté punk parfois sauvage et doux à la fois. »

8. Beak>, Allé Sauvage [Live at Invada Studios] (2018)

« Ce morceau est un mélange subtil d’acoustique et d’électronique, assez minimal et construit comme un bon vieux morceau techno. Il me rappelle une transe, partant du bas vers le haut. » 

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