Sub Pop fut, quelques décennies plus tôt, un haut lieu du grunge et du son de Seattle. Le catalogue actuel ressemble pourtant plutôt à un inventaire à la Prévert: Beach House, Low, King Tuff, Mudhoney, Shabazz Palaces, Downtown Boys, etc. D’excellentes formations, mais dont nous peinons à identifier l’héritage commun. Cependant, la force de frappe de la structure américaine, en 2018 impressionne, et en quelques mois, les Américains ont placé les Australiens de Rolling Blackouts C.F. dans les espoirs les plus attendus de la pop indépendante. La tâche est ardue pour les cinq membres de la formation de Melbourne car la concurrence est féroce, surtout en Océanie, dont la scène actuelle est fantastique (Dick Diver, Salad Boys, Chook Race, The Stevens, The Goon Sax, The Shifters etc.) Ils s’en acquittent avec grâce : après deux EPs (Talk Tight en 2016 et The French Press en 2017), leur premier album Hope Downs offre une ode d’un romantisme échevelé à la pop pacifique (l’éblouissante Talking Straight). Des garçons dégourdis et fort malins qui s’inscrivent dans la tradition locale, évoquant aussi bien Go-Betweens, Hoodoos Gurus (si, si…) que les merveilleux Twerps, et aussi parfois R.E.M. à leurs débuts (oui, ils sont d’Athens, eux). Impossible néanmoins de manquer leur nationalité australienne, tant elle semble gravée dans leurs gênes. Comme leurs aînés, Rolling Blackouts C.F. n’a pas oublié d’écouter les classiques sixties de Dylan et du Velvet Underground. Ils en ont conservé une certaine attitude emprunte de morgue et de détachement (l’excellente Exclusive Grave, ou Sister’s Jeans). Ils aiment aussi les grands espaces de cowboys (An Air Conditioned Man, Time In Common) et le font savoir à travers une débauche de guitares souvent claires, voir jangly (Cappuccino City, The Hammer), parfois aussi gentiment saturées (Bellarine). Surtout, le groupe écrit de super chansons. À défaut d’inventer la poudre, Rolling Blackouts C.F. s’en sert rudement bien. Hope Downs est maîtrisé de bout en bout, la formation manie savamment le rythme, variant les tempos et les ambiances tout en créant un ensemble nerveux, cohérent et compact. La production sobre et sans chichis s’accorde sans fausses notes aux intentions des Australiens. Le programme ne brille peut-être pas par son originalité, mais étonne par sa maîtrise et sa qualité, plutôt bluffante pour un premier album qui aurait tout aussi bien pu sortir chez Trouble In Mind ou Chapter Music plutôt que sur Sub Pop.
Rolling Blackouts C. F. joueront au Festival Soy au Stereolux à Nantes ce mercredi 31.10 et au Pitchfork Music Festival à La Villette à Paris ce jeudi 1er Novembre.