Selon une source sûre, Reymour a attiré 400 personnes à Petit Bain il y a quelques jours. Pas mal pour un duo pas loin d’être inconnu, véhiculant une image de musiciens de peu, lo-fi comme on dit. Passionnant de s’arrêter sur ce binôme, Lou Savary et Luc Bersier qui ont grandi en Suisse, se sont installés à Bruxelles, ont sorti une première cassette sur un label de Berlin et trouvé refuge pour Leviosa (2021) et NoLand chez la maison de disques d’Amsterdam Knekelhuis. Pour un album appelé NoLand qu’on pourrait traduire par SansTerre, ou PasDePays, effectivement ces jeunes gens ne s’embarrassent pas de frontières, et tant mieux.
A propos de leur concert, mon espion m’a aussi délivré quelques informations qui permettent d’éclairer le disque, je cite sa relation : « Leur son a mûri et l’idée originale du duo synthétique a bien évolué. On sort très nettement du do-it-yourself orgue-boîte à rythme-voix éthérée pour se diriger vers un son plus dense, plus rond, avec plus de basses. » Leur musique bilingue en anglais et en français, effectivement économe en moyens, se focalise sur des détails et slalome entre les travaux squelettiques mais intenses des séminaux Young Marble Giants et, plus proche de nous, les expériences des cultissimes Broadcast. Même capacité à jouer sur les sonorités et les effets, les textures et à cheminer entre rêves gazeux et cauchemars post punk. La voix féminine tantôt droite, tantôt gauche, s’appuie sur un tapis qui fourmille de bruits synthétique et de basses dynamiques, sur On A Pulse, ou de petites choses minimales et émotives, comme ce piano électrique sur Hors série.
Il plane sur tout le disque une sorte calme un peu flippant, comme si une tempête allait éclater, mais en fait non. On se retrouve au milieu d’une salle de bal un peu boisée, traversée de rythmes tranquilles et d’électroniques d’ornementation, à la recherche d’un partenaire de danse. Valse de poche (Sans éveil), ritournelle bluesy (A l’éternelle), chanson de matin blême (L’odeur du tabac froid), Reymour sait franchement partir dans tous les sens, sans jamais nous perdre, avec le soin de se rendre attachant et toujours de façon surprenante. Jamais épuisé, NoLand crée justement une géographie montagneuse d’une terre fantasmée (de Vladivostok aux Cornouailles) habitée et hantée, dans lequel on trouverait bien refuge.