Des musicien-nes et artistes comme John Hassel, David Toop ou Pauline Oliveiros ont théorisé, au tournant des années 1970-1980, un certain type de modernisme alternatif, via les catégories de Fourth World ou de Deep Listening. Une logique de réinvestissement et de réappropriation qui aura guidé tout un pan des musiques de recherche, plus ou moins inscrites au sein d’une démarche d’avant-garde décentrer le grand récit des musiques expérimentales de son axe traditionnel en instaurant un dialogue avec certaines musiques et pratiques envisagées comme de véritables territoires utopiques.
Depuis maintenant plus d’une quinzaine d’années, le duo Puce Moment (Nicolas Devos et Pénélope Michel, connu-es aussi pour la formation Cercueil) s’inscrit à sa manière au sein de ce contre-récit : des enregistrements comme Epic ellipses ou Ad Noctum se situent en effet sur ce point d’équilibre parfait entre fidélité à un modèle et ce qui le subvertit. Avec Sans Soleil, sorti sur le label Parenthèses Records, c’est le Gagaku, musique traditionnelle japonaise, qui est mobilisé comme matériau et esthétique. Construit à partir de captations lors d’un voyage du duo au japon en 2020, à Tenri dans la banlieue de Nara plus précisément, les pièces qui composent le disque constituent autant de tentatives de déconstruction du modèle électro-acoustique (Batu, Bugaku). C’est le Field recording qui s’impose ici comme l’une des instances principales à partir de laquelle la tradition ambient se voit réappropriée (Kangen, qui ouvre le disque). Et c’est précisément cette pratique de l’écart qui opère dans Sans Soleil, par une forme de dessaisissement et de sophistication menant à une pratique renouvelée de l’écoute.
