Dix ans déjà ! Le temps est passé si vite depuis 2015, non ? Le COVID est passé par là certainement. La décennie est un âge ingrat pour un album, trop récent pour susciter la nostalgie, pas assez proche de l’actualité, pile poil parfait pour le purgatoire ! Voilà dans quoi les Primitive Parts sont plongés. Leur unique album, le bien nommé Parts Primitive, est sorti il y a dix piges. Le paysage musical indépendant a changé entre temps. Les groupes britanniques indépendants (Fontaines DC, Yard Act, Idles…) ont repris (commercialement) du poil de la bête. Avec le recul, la génération précédente a été largement sacrifiée. Veronica Falls, Male Bonding ou Yuck auraient, en effet, mérité mieux en matière de carrière. L’unique long jeu de Primitive Parts est ainsi à la croisée de diverses trajectoires.
En plus de l’histoire des membres du groupe, il coïncide avec l’évolution de la ligne éditoriale du label qui les accueille : Trouble In Mind. Il y a un peu moins de dix ans, la structure de Chicago délaissait progressivement la pop psychédélique qui avait fait son succès (Jacco Gardner, Maston, Morgan Delt) pour le post-punk et l’indie-pop (Shifters, En Attendant Ana, Melenas…). Le trio Primitives Parts avait, de fait, toute sa place là bas. Il se composait de Robin Silas Christian, Kevin Hendrick et Lindsay Corstorphine, passés par Male Bonding, Cold Pumas ou Sauna Youth, pas des perdreaux de l’année, en soi. Ces trois-là impriment leur patte sans fioriture, sur un Tascam 388 (l’enregistreur favori de la scène des années 2010). Deux guitares et une batterie, presque pas d’effets, Primitive Parts va à l’essentiel. Le groupe pratique un post-punk ascète, mais pas chiant. Indéniablement, il y a ici de bonnes chansons.
Sur ce très court disque (moins de 28 minutes) trois sont déjà connues , mais réenregistrées a priori, des 45 tours précédents l’album. C’est peut être le seul aspect décevant de ce très bon disque : un peu chiche. Ce détail mis à part, Parts Primitive a encore très fier allure dix ans plus tard. Le groupe enquille des petits tubes en puissance. Le riff vicieux (façon Wire) de Troubles nous fait voir flou tandis qu’Eyes s’autorise une longue introduction instrumentale avant de déboucher sur une chanson pop que ne renierait pas Pavement. Miracle Skin et Signals sont aussi frénétiques que réussies. TV Wheels porte toutes les qualités de ce disque en elle : elle secoue, son équilibre est bancal, le riff en ciseau obsède mais finalement ses qualités mélodies vous explosent à la tronche. Le programme de Primitive Parts n’était pas le plus ambitieux mais les trois bougres y ont mis les formes. Parfois il vaut mieux savoir faire tourner la roue que la réinventer pourrait être le mantra du groupe. Dix ans plus tard, nous ne pouvons que leur donner raison, Parts Primitive est toujours aussi jubilatoire. Ce disque n’a pas pris une ride, faites-vous donc une fleur en allant l’écouter.