À l’aune de la très belle et pertinente exposition sur la Movida – ce mouvement pluricuturel avant tout madrilène né à la fin des années 1970 – qui se tient en Arles jusqu’au 22 septembre, en voici l’une des bandes originales possibles, à écouter pour mieux oublier la canicule.
A la charnière des années 1970 et 1980, New York, Londres, Paris sont sorties de leur torpeur sous les actions conjuguées de jeunes gens modernes qui prônent un « no futur » tout en s’inventant pour la plupart un avenir. Les carcans explosent, la littérature, le cinéma, la peinture, la mode, la photographie, les musiques se trouvent définitivement des terrains d’entente que certains – The Velvet Underground en tête – avaient commencé à explorer quelques années auparavant. Loin des feux des projecteurs parce qu’elle panse de trop nombreuses plaies, Madrid n’est pas en reste. Mais là-bas, il s’ajoute à cette effervescence culturelle une dimension dramatique, liée à la fin de 36 ans d’une dictature dégueulasse. Alors, sur fond de transition démocratique, de (re)découvertes des libertés, de sexualité désinhibée et d’excès en tout genre, un noyau de femmes et d’hommes transforment un quartier de la capitale (Malasaña) en quartier général et font voler en éclat les interdits et les habitudes, se jettent sur le mouvement punk – qu’il soit anglais ou américain –, érigent Lou Reed et David Bowie en figures tutélaires mais n’oublient pas pour autant leurs racines. Parce qu’ils écoutent autant les légendaires Vaínica Doble que « Berlin », qu’ils lisent Burroughs et Garcia Lorca, qu’ils regardent les films de Berlanga et de Saura tout comme ceux de Morrissey et de Coppola, ils jouent une musique qui a parfois des accents anglo-saxons mais chantent (presque) toujours dans la langue de Cervantes. Cette playlist, qui ne respecte aucune logique chronologique – exception faite du premier morceau signé Kaka de Luxe, la formation « zéro » par laquelle tout a commencé (ou presque) –, regroupe quelques-uns des acteurs principaux d’une scène sans œillère, capable de porter le noir gothique comme un uniforme tout en jouant des chansons qui devaient plus à Chic qu’aux Banshees. Entre hits certifiés et tâtonnements maladroits, classiques et faces B, tocs de production d’une époque où tout sonne comme le futur et mélodies belles à chialer, cette sélection est la bande-son inachevée et sans prétention d’une époque où l’Espagne, au-delà de se créer une vraie scène indépendante (avec à la clé l’émergence de labels inspirés par leurs confrères britanniques), a recommencé à vivre.