« Pauline Black : A 2 Tone story » de Jane Mingay

Pauline Black / Photo : DR
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Musical écran #11 Bordeaux Rock 2025Programmé lors du festival de documentaires musicaux de Bordeaux, Musical Écran, le film consacré à Pauline Black, chanteuse de The Selecter, révèle une figure atypique et offre un visage original de l’explosion du ska two-tone en Angleterre. Il retrace surtout le destin d’une femme noire au sein de la pop culture — une dimension souvent occultée. Le ska two-tone connaît un regain d’intérêt. En tout cas, il se patrimonialise avec succès. Série télé, documentaire sur Madness sur Arte, livre sur Terry Hall… Ce courant dit revival, né à la fin des années 70 dans la traînée de poudre du punk, ne se résume plus à un simple sous-genre, une hybridation entre l’héritage jamaïcain et la culture british. Il a acquis ses lettres de noblesse dans la discographie idéale du streaming triomphant.

Il restait néanmoins des angles morts, trop souvent oubliés, et non des moindres : les femmes – et, dans un autre registre, les artistes noirs. Largement dominés par les figures tutélaires de Suggs pour Madness ou Jerry Dammers chez The Specials, leur place semblait presque secondaire, à la marge, comme la discographie du seul groupe exclusivement féminin, The Bodysnatchers.

Pauline Black / Photo : DR
Pauline Black / Photo : DR

C’est ici que surgit Pauline Black. Toujours active après avoir réanimé The Selecter (elle était récemment en concert au Kilowatt à Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne), son histoire, sa rôle, son parcours balaient toutes les évidences. Chanteuse charismatique du ska two-tone, elle refusa d’en être l’alibi sexy – jusque dans sa manière d’être ou de s’habiller. Petite fille noire adoptée par des parents blancs issus des milieux populaires de l’Essex, elle grandit dans un environnement où elle représente quasiment la seule personne « de couleur ». Un petit monde où, jusque dans sa famille, on vote National Front et ou l’on idolâtre le politicien raciste Enoch Powell (cela dit, même Eric Clapton chantera ses louanges).

Le début du documentaire, qui porte sur cette période et ce qu’elle a traversé gamine, reste sans doute la séquence la plus touchante et la plus révélatrice – celle qui ouvre, en retour, une autre perspective sur la signification du mouvement two-tone. D’une certaine façon, cette histoire singulière universalise paradoxalement la portée d’un courant musical So British, à travers le chemin unique de cette petite fille qui affrontera très tôt le racisme et même les violences sexuelles.

Son émancipation et sa prise de conscience surviendront lorsqu’elle emménage à Coventry, ville industrielle qu’elle compare à Detroit. C’est là que naissent The Specials, et que débute pour elle une nouvelle vie — où elle prend conscience, entre musique jamaïcaine et punk, de ses identités multiples, inscrivant désormais le mot Black comme nom de famille, en guise de réappropriation et de revendication : “I’m not colored, I’m Black.”

NME WOMEN IN ROCK 1980Un long combat, y compris au sein de cette scène musicale qui se voulait progressiste. Elle raconte ainsi à quel point elle se sentait mal à l’aise lorsqu’elle posa pour la célèbre une de NME, publiée le 29 mars 1980, sur les femmes dans le punk, intitulée “Women in Rock”, où elle figurait aux côtés de Poly Styrene (X-Ray Spex), Debbie Harry (Blondie), Viv Albertine (The Slits), Siouxsie Sioux (Siouxsie and the Banshees) et Chrissie Hynde (The Pretenders). Le décryptage de ces photos en dit long, aussi bien sur la vision des femmes dans l’univers musical que sur le poids, souvent camouflé, des questions raciales. L’incendie du punk ne pouvait réduire en cendres, d’un claquement de doigts ou d’un cliché, une vie entière passée à se sentir méprisée ou délégitimée.

Pauline Black réorientera ensuite sa carrière vers la télévision. Elle présentera sur Channel 4 l’émission Black on Black. Elle bifurquera également vers le métier de comédienne. En 1991, elle remporte le Time Out Award de la meilleure actrice pour son interprétation de Billie Holiday dans la pièce intitulée All or Nothing at All. Et aujourd’hui encore, elle sillonne les salles de concert pour entretenir la mémoire de la petite révolution du damier noir et blanc.


Pauline Black : A 2 Tone story de Jane Mingay est diffusé dans le cadre du festival Musical Ecran au Théâtre Molière à Bordeaux.

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