Il est des disques dont on se souvient très bien du jour où on les a achetés. Par exemple, je me souviens très bien du jour où j’ai acheté The Gift (1982) de The Jam. Pourtant, même s’il s’y trouve l’une de mes compositions préférées de Paul Weller (Carnation, bien sûr), ce n’est pas mon album favori du trio, encore moins de l’homme. Mais je me rappelle très bien l’avoir acheté un samedi après-midi, chez un disquaire de Versailles, celui qui était situé dans la contre-allée de l’avenue de Saint-Cloud, à quelques pas de mon collège. C’est vrai, je ne sais ni le jour exact, ni même le mois. Mais je sais qu’en sortant de la Résidence où j’habitais alors, j’ai croisé le cousin d’un ami, un mod, qui après avoir appris ce que j’allais faire, s’est moqué un peu de moi car il trouvait l’album très faible – il y avait pas mal de mods à Versailles à cette époque (et même un groupe que je n’ai jamais vu ni entendu, dont le nom était inscrit sur plusieurs murs de la ville,mais qui ne connaitra jamais la destinée de son homonyme : Wham…) Je sais aussi que je venais de regarder Megahertz, l’émission animée par Alain Maneval et diffusée sur la première chaine en tout début d’après-midi chaque samedi. Je crois qu’elle aura duré deux saisons. Mais je me souviens de Polyphonic Size, Indochine ou Octobre sur le plateau ; je me souviens de reportages sur Carte de Séjour, The Associates, Visage ou The Cure, qui venait d’enregistrer Pornography (1982); je me souviens des concerts de Siouxsie, de Killing Joke ou de The Jam, filmé je ne sais plus où. C’est justement après cette diffusion que j’ai eu envie d’aller m’acheter The Gift. J’avais découvert le groupe l’année précédente, grâce à un article dans Best. Et je ne sais pas pourquoi j’avais été fasciné sans même savoir à quoi pouvait bien ressembler la musique – à l’époque, j’écoutais surtout le hit-parade d’Europe 1, The Police, Making Plans For Nigel (1979) de XTC et sans doute Kim Carnes. L’intérêt est né peut-être du fait qu’il était question de cette culture mod et que je cherchais une cause alors que je ne suis pas vraiment un rebelle — ma mère acceptera de m’acheter des imitations de Clarks et une parka complètement ringarde sur laquelle elle ira jusqu’à coudre un patch acheté au marché. Mais c’est aussi peut-être parce qu’il était question de The Who et que mon frère ainé avait des disques de ce groupe-là.
The Jam, donc. Je me fais offrir les disques, tombe amoureux de la pochette intérieure de All Mod Cons (1978) – et je me suis évertué des années durant à ce que mes différents bureaux y ressemblent –, je ne comprends pas bien ce que raconte Weller dans Down In The Tube Station At Midnight mais j’adore la chanson. J’apprends par cœur les paroles de This Is The Modern World (1977) et dégrade les tables de mon lycée en inscrivant souvent « And I look down upon the map / The teachers who said I’d be nothing ». Je rate les concerts à Baltard, j’apprends la séparation par la presse anglaise, achète la compilation live Dig The New Breed (1982) la semaine de sa sortie chez New Rose, tout comme le premier 45 tours du Style Council, Speak Like A Child – dont je trouve que la pochette ressemble trop à celle d’un single de Kajagoogoo, Too Shy (ce qui est très anecdotique). Cela étant, Paul Weller me donne une conscience politique, ouvre mes horizons musicaux – c’est chez lui que j’entends les Supremes, The Chi-Lites, Curtis Mayfield et quelques années après, Joe Smooth pour la première fois –, m’emmène en Grande-Bretagne sans que je quitte ma chambre. Je lis, relis un article dans The Face où sur les photos, il porte un costume gris, une chemise à pois bleue foncée et range un paquet de Gitane dans la poche intérieure de sa veste.
Long Hot Summer se transforme en l’un de mes morceaux fétiches (il l’est toujours trente-six ans plus tard), je me réjouis du hit que devient Shout To The Top (parce que même chez nous, ce fut un hit, le seul de Weller dans nos contrées), je ne vais pas au Zénith mais je ne sais plus pour quelle raison (il y a forcément un bonne raison qui en était en fait une mauvaise), n’adhère pas tout de suite au virage « classique » – avant bien sûr d’en devenir l’un des plus ardents défenseurs –, ne suis pas bien la fin en eau de boudin, le refus de Modernism : A New Decade, le renvoi de Polydor, les gens qui lui tournent le dos, le purgatoire. Alors, Weller se terre, observe et attend son heure. Et revient pour un concert à la Brixton Academy, immortalisé en vidéo (c’est en fait sa première référence en solo), où il joue des morceaux de The Jam, The Style Council, des reprises (Tin Soldier des Small Faces) et des nouveaux titres. Et puis, c’est le premier single, et puis, c’est le premier album, qui ne sort d’abord qu’au Japon – en CD, celui que je me fais dédicacer quand je l’interviewe en 1992 avec un ami dans un hôtel place de la République pour le fanzine magic mushroom. Ensuite, il m’a fait faux bond par deux fois – des histoires d’alcool et de saccages de chambre, de nuits au poste et de gueule de bois… Mais peu importe. L’homme a d’autres chats à fouetter. Car de pestiféré, Paul Weller va redevenir une icône vivante, comme il le fut au début des années 1980, à peine âgé de 22 ans, où il triomphait dans les charts et dans les référendums année après année. Avant même l’éclosion de la britpop, Blur se réinvente, pioche dans l’imagerie mod (la fameuse photo où le groupe pose devant un mur taggué British Image #1) et enregistre Modern Life Is Rubbish (l’un de ses meilleurs albums) que Weller désigne comme son disque de l’année 1993. La presse britannique, jamais avare en jeux de mots, fait de lui le modfather, la figure tutélaire de tous ces groupes qui revendiquent l’influence des swinging sixties, leurs origines prolétariennes et la fierté de leur insularité. Noel Gallagher s’agenouille devant lui et tous les autres le citent en référence – en souvenir de leur adolescence, de Going Underground, de Top Of The Pops, du NME, du Sounds, du Melody Maker, de The Face. C’est à ce moment que je perds un peu sa trace. Je n’écoute plus chaque nouvel album avec toute l’attention qu’il mériterait. Je me souviens avoir adoré son disque de reprises, Studio 150 et puis la suite de sa discographie devient plus floue… Après avoir traversé les années 1990 en conquérant, Paul Weller va rentrer dans le rang. Non pas artistiquement, car l’homme continue de prendre des risques, trouvant de nouveaux partenaires de jeux — à l’instar de Simon Dine de Noonday Underground. Souvent pertinent – il a réalisé en 2018 un très bel album, True Meanings, que j’ai découvert sur le tard (l’année touchait à sa fin), mais avec un réel plaisir –, il est toujours à la recherche de la chanson parfaite.
C’est cette quête que l’érudit Nicolas Sauvage détaille dans le livre taille XXL Life From A Window, Paul Weller et L’Angleterre Pop. Un livre dédié à Paul Weller, depuis ses débuts à Woking et les premiers émois mélodiques jusqu’à ses tout derniers enregistrements. Mais pas que. Alors, autant prévenir d’entrée – ce que fait d’ailleurs superbement le journaliste Nicolas Ungemuth (lui aussi spécialiste de l’œuvre de Weller) dans une préface assez remarquable : les amateurs d’anecdotes croustillantes et autres sensations fortes (la bagarre dans un pub avec une équipe de rugby, les nuits éthyliques, une vie sentimentale pas toujours de tout repos) peuvent passer leur chemin car l’auteur, ancien disquaire rennais puis parisien dont la vie a été littéralement sauvée par le rock’n’roll (© Lou Reed), s’attache tout long de ces 500 et quelque pages au « seul » parcours musical de ce véritable working class hero (© John Lennon) comme seule l’Angleterre semble capable d’en produire. Mieux, il se sert des chansons et des albums imaginés par Weller, en groupe(s) puis en solitaire, comme point de départ pour mieux disséquer la scène britannique contemporaine (et même au-delà parfois). Avec un sens du détail qu’envierait certainement un tailleur londonien, Nicolas Sauvage dépasse largement le cadre de sa seule passion pour le « modfather » – une passion née vers 1988, quand des amis bien intentionnés lui conseillent de prêter une oreille à un groupe nommé The Jam – pour tirer sur les fils innombrables de cette pelote de (penny) laine (un livre qui parle de Burt Bacharach est forcément un bon livre) et raconter ainsi tous les courants et les modes que traverse le natif de Woking, s’en inspirant (au hasard, l’influence de la découverte de Joy Division sur l’album Sound Affects (1980) ou l’émergence de la house qui vient bousculer les ambitions artistique de The Style Council) ou s’en amusant. Alors, au fil des pages (qu’il est recommandé de parcourir un stylo à la main afin de noter les références qui nous avaient échappées – et croyez-moi, il y en a), on croise les acteurs de la scène punk ou des stars de la pop, on (re)découvre des idéaux sociaux, on revit la guerre entre Blur et Oasis (deux groupes dont Weller aura été à un moment le thuriféraire), on se souvient du rôle joué par The Libertines, on se rappelle de Hard-Fi. Et si ce livre conte d’abord le parcours de l’un des plus grands songwriters de la musique moderne (il faudra un jour que le monde s’en rende compte), dont la longévité et la capacité à se renouveler sont finalement assez remarquables – on ne voit pas grand monde parmi ses contemporains à pouvoir prétendre à une telle pertinence sur près de cinq décennies –, il est aussi une histoire de la musique anglo-saxonne. Aujourd’hui installé en Bourgogne-Franche Comté, médiateur culturel de la salle de la Rodia, conférencier et enseignant à l’Université de Besançon, Nicolas Sauvage a pris de son temps précieux (« precious » ?) pour relever le défi de « résumer » en dix chansons (qui sont devenues onze) le parcours incroyable de Paul Weller.
The Jam, Life From A Window (1977)
In The City ou Art School sont sans doute plus évidents pour pénétrer dans l’univers des Jam de 1977. Le répertoire qui constitue le premier disque du groupe a fait l’objet d’un rodage scénique intense et la puissance du trio a été parfaitement saisie en studio. C’est pourtant dans le deuxième album, généralement le moins apprécié par les amateurs, que se trouvent des pistes décisives pour l’avenir. Ce qui se devinait déjà sur l’immense Away From The Numbers se précise un peu plus sur quelques chansons de This Is The Modern World dont est extrait Life From A Window. Le Weller songwriter prend déjà ses distances avec l’effervescence de la promotion 77 et ne fait aucun secret de la fascination qu’exercent alors sur lui des storytellers comme Pete Townshend ou Ray Davies. C’est précisément à ce dernier que peut faire songer Life From A Window. Impossible de ne pas penser au fameux « Every day i look at the world from my window » de Waterloo Sunset. Impossible également de ne pas prendre la mesure de l’évolution extrêmement rapide qui sépare le Weller chanteur du premier album de celui entendu ici. Life From A Window n’est pas une grande chanson mais reste une œuvre de jeunesse pleine de promesses et révèle pour la première fois un compositeur sensible, délicat auquel il ne manque plus grand-chose pour démarrer cette série de fulgurances pop qui feront la réputation des Jam. C’est évidemment pour la place à part que cette chanson occupe dans ma vie que j’ai fait le choix de l’utiliser dans le titre de mon livre.
The Jam, Saturdays Kids (1979)
La publication, sous forme de 45 tours, de Down In A Tube Station At Midnight en octobre 1978 symbolise le passage de Paul Weller dans le cercle restreint des grands songwriters britanniques. Un mois plus tard, All Mod Cons viendra confirmer cet état de forme éblouissant puis les Jam deviendront peu à peu ce phénomène incroyable en Angleterre. Entre 1978 et 1982, il est impossible de ne retenir qu’un seul morceau représentatif de l’art de Weller, mais celui-ci, de par sa concision et son énergie palpable me semble intéressant. La mélodie est immédiatement séduisante et le portrait teinté d’amertume, de colère, d’incompréhension et de compassion que livre Weller de ces « mecs du samedi » est d’une justesse parfaite. Dans le documentaire Highlights & Hang Ups (1994), Billy Bragg lit quelques passages du texte de cette chanson et sa réaction en dit long. Bragg n’a pas besoin de formaliser toute l’admiration qu’il porte à Weller car celle-ci se lit sur son visage et pourtant, lui aussi, maitrise plutôt bien l’art de ces vignettes typiquement anglaises. Saturday’s Kids reste ainsi un bon exemple de l’appartenance de Paul Weller à ces grands auteurs qui de Ray Davies à Alex Turner en passant par Jarvis Cocker ou Luke Haines sont dépositaires d’une large partie de la pop anglaise.
The Jam, Man In The Cornershop (1980)
Un chef d’œuvre tout simplement ! Le fait que cette chanson ne soit pas parue sous forme de 45 tours donne un bon aperçu de la qualité du matériel disponible à l’époque. Cette remarque peut s’étendre sur plus de la moitié de Sound Affects. That’s Entertainment ou Boy About Town auraient fait de grands singles mais la constance de Weller à cette période autorisait à se dispenser de ce genre de choix. Man In The Corner Shop appartient incontestablement aux classiques signés Weller. La mélodie, un texte sublime et une exécution irréprochable, tout y est. La fascination dont peut faire l’objet le premier groupe de Paul Weller tient ainsi à la tenue impeccable d’une discographie très fournie. Certains singles n’apparaissent pas sur album et leurs faces B semblent avoir fait l’objet d’un soin particulier. Je reste toujours stupéfait de voir que des chansons du calibre de The Butterfly Collector ou Tales From The Riverbank ne sont que de simples faces B ou que des morceaux comme The Place I Love ou ce Man In The Cornershop ne se soient pas instantanément transformés en 45 tours.
The Style Council, My Ever Changing Moods (1984)
Comme je l’ai écrit dans le livre, le titre de cette chanson pourrait pratiquement résumer le parcours de Weller. De mon point de vue, le Style Council reste un groupe scandaleusement sous-estimé. J’ai parfois du mal à saisir ce clivage entre les Jam et le Style Council. Walls Come Tumbing Down aurait fait un très bon single des Jam et The Bitterrest Pill (I Ever Had To Swallow) n’aurait pas dépareillé sur un disque du Style Council. Le problème est sans doute ailleurs… Comme pour beaucoup de formations actives à cette époque, la production n’est pas toujours accueillante et certains partis-pris ont subi les outrages du temps. Il reste néanmoins les chansons et dans le cas de Weller, certaines font partie des plus belles de son répertoire. Je pense que le malentendu qui entoure le Style Council est largement dû à cette « purification mod » évoquée autrefois par Paul Weller. Les références et inspirations du musicien sont à l’époque en constante évolution et certains choix peuvent dérouter les amateurs des Jam. Pourtant l’influence de la soul et l’aptitude de Weller à écrire de véritables chansons pop n’ont pas disparu avec la séparation des Jam. L’idée même de modernism est au cœur du Style Council même si cela semble difficilement acceptable pour une partie des mods les plus intégristes.
The Style Council, A Stones Throw Away (1985)
A propos de Our Favourite Shop (1985), le deuxième album du Council, Weller disait ceci : « J’avais une foi totale dans le Style Council, les premières années font partie des plus accomplies de ma carrière et Our Favourite Shop en reste l’aboutissement ». Il est difficile de contester ce jugement tant ce disque reste une œuvre homogène qui regroupe un grand nombre des qualités de cette formation parfois insaisissable. J’aurais pu choisir un autre titre de cet album fondamental mais A Stones Throw Away illustre parfaitement cet instantané des années Thatcher que demeure Our Favourite Shop. Concernant l’incompréhension qui entoure parfois le Style Council, le contraste entre une musique d’apparence légère et la nature des textes de Weller au cours de ces années me semble également pouvoir servir d’explication. Sur une mélodie lumineuse et enrichie d’un arrangement pour cordes délicat, Weller délivre ici une pièce maitresse de son œuvre et accessoirement ce que quelques amateurs voient comme son Eleanor Rigby, ce qui n’est pas rien.
The Style Council, Changing Of The Guard (1988)
Après l’album raté des Jam, voici l’album maudit du Style Council ! Je me souviens avoir découvert ce disque vers 1991 et l’avoir détesté. Ma découverte de Weller datait de trois ans à peine et je me demandais comment l’auteur de tant de classiques avait pu commettre une horreur pareille. J’ai depuis largement changé d’avis et me suis rendu compte que je ne possédais alors aucune clé pour pénétrer dans l’univers ultra référencé de Confessions Of A Pop Group (1988). Après Dr Feelgood, les Who, les Kinks ou Curtis Mayfield, Weller s’aventure dans des zones assez inattendues. Que ce soit le Romances For Saxophone de Branford Marsalis, le Modern Jazz Quartet ou Claude Debussy, le grand écart réalisé en à peine dix ans est absolument incroyable. Pour ceux qui ont l’impression d’être en présence d’un musicien rétrograde, une écoute de Changing Of The Guard s’impose. Le plus impressionnant reste toutefois la maitrise de ce répertoire qui renvoie à une époque lointaine Shout To The Top ou It Didn’t Matter sans pour autant faire figure de rupture dans l’œuvre de Weller. Bref, j’adore la première face de ce disque.
Paul Weller, Into Tomorrow (1991)
Plus encore que la reprise de David Watts en 1978, ce morceau a sauvé la carrière de Weller. Cette chanson reste à part dans la mesure où, après une pénible traversée du désert, elle est celle qui lui a donné la force de repartir à la conquête d’un public démissionnaire. Au-delà de ses qualités évidentes, c’est vraiment la conviction qui émane de l’interprétation que je trouve remarquable. Ce morceau apparaît comme un point de liaison entre les Jam et le Style Council tout en annonçant le style qui sera celui de Weller pour les quelques années à venir. On ne va pas parler de tour de force mais Into Tomorrow restera à tout jamais le titre emblématique de l’extraordinaire come-back de Weller.
Paul Weller, Frightened (2000)
Avec la parution de Wild Wood en 1993, Weller est enfin parvenu a retrouvé sa place dans l’arène pop et les deux années suivantes l’ont propulsé comme une sorte de guide spirituel pour la génération britpop. La gueule de bois qui a suivi cet épisode de narcissisme britannique a laissé pas mal de monde sur le carreau et la fin des années 1990 n’a pas été de tout repos pour Weller. Heliocentric, l’album sur lequel se trouve Frightened fait ainsi partie de ces disques post-britpop sur lesquels la nécessité d’inventer une suite est indispensable. Après l’excès d’adrénaline, le RnB vintage et le blues rock étouffant de Heavy Soul, ce titre voit Weller revenir à ce qu’il sait faire de mieux : écrire des chansons et les interpréter avec grâce. Les arrangements de Robert Kirby ne sont pas étrangers à la réussite du morceau et confirment l’attachement de Weller à la musique de Nick Drake ainsi que sa volonté de poursuivre une nouvelle fois dans une autre direction, moins centrée sur les qualités d’instrumentistes et plus ouverte en termes d’arrangements.
Paul Weller, No Tears To Cry (2010)
En 2008, Weller fêtait ses 50 ans avec un double album qui fut couvert de louanges par une presse quasiment unanime et ce 22 Dreams débutait dans un même temps une collaboration réunissant Paul Weller et le Noonday Underground en chef Simon Dine. No Tears To Cry figure sur le deuxième des trois disques coréalisés par les deux hommes. Sur fond d’hommage à Scott Walker et aux productions de Spector, le morceau illustre parfaitement l’équilibre trouvé à cette période entre feeling vintage et production contemporaine. Weller chante magnifiquement bien et Dine se charge de sublimer l’ensemble à travers un véritable travail de metteur en son. J’ai trouvé cette chanson bouleversante au moment de sa parution. Je n’ai pas changé d’avis.
Paul Weller, Aspects (2018)
L’année qui précède la sortie de Aspects est assez étrange à observer avec un peu de recul. Il y a d’un côté l’album A Kind Revolution qui n’est pas à classer dans les incontournables du musicien puis un disque plus emballant proposé comme bande son du film Jawbone. Une large partie de cette BO est constituée de pièces instrumentales qui peuvent évoquer les travaux d’Harold Budd ou de Brian Eno. Au milieu, se trouvent quelques chansons dont une, intitulée The Ballad Of Jimmy McCabe qui m’avait vraiment enchanté. L’épure et l’aspect crépusculaire de ce très beau morceau m’ont laissé espérer le prolongement de climats semblables sur l’ensemble d’un album. C’est un résultat assez proche de ce souhait qui constitue l’essentiel de True Meanings (2018), son dernier disque en date. J’ai écrit dans le livre que si cet album était une conclusion à la carrière de Weller alors celle-ci serait magnifique. J’aurai pu resserrer ma remarque sur le seul Aspects mais bien sûr, je suis impatient d’entendre la suite.