Période estivale un peu trempée ici dans le Grand Est, parfaite pour remettre un peu d’ordre dans les étagères (= faire de la place pour les nouveaux entrants arrivés comme une pluie de mousson dans la boîte aux lettres).
D’abord, suite à un post de Section26 sur Don Idiot par mon collègue Baptiste Fick, j’ai carrément sauté le pas et commandé son objet : un très beau CDR dans un boîtier noir filiforme de DVD avec une jaquette rose très belle, un autocollant, un mini-poster avec les paroles des chansons et un mystérieux code (TVP57) en dymo scotché. Super beau, j’adore recevoir des choses dans ce style, c’est sans doute mon éducation à coup de Pif Gadget qui ressort (bravo les cocos). Ni une ni deux, j’ai envoyé un message à l’auteur de ce très beau disque dont je disais dans la playlist de juin : « Nouveau visage de ces obscurs génies d’ici, sans cesse renouvelés, qui conjugue fort bien accords du Velvet et littérature toute perso. » En gros. Don m’explique gentiment les enjeux de la diffusion de sa musique et la réflexion autour de l’objet qu’il propose :
« Tout d’abord, j’ai demandé au label WW2W de Roubi qui avait participé, avec deux autres labels, à la sortie de l’album précédent, car il fait du bon boulot et c’est quelqu'un en qui j’ai confiance. Hélas, il n’avait pas les thunes pour le sortir, du coup, au lieu de demander à d’autres personnes et de démarcher, chose que je n’aime pas faire, je me suis dit que j’allais le sortir moi-même. Les boitiers DVD slim je les ai depuis 2010 dans un carton, c’était pour un album que je n’ai jamais sorti. Je me suis dit que c’était l’occasion de recycler tout ça. J’aime ce format car je suis un collectionneur de DVD, les gens s’en débarrassent pour 50cts/1€ pièce et moi, je les récupère : j’en ai partout ! Si internet s’effondre, je serai peinard les soirs d'hiver ! Comme j’avais le boîtier, il ne me restait plus qu’à faire le reste. L’album précédent représentait un ver dévorant une pomme. Pour celui-ci j’ai pris un insecte un peu plus haut de gamme : une chenille qui répond au doux nom de vanessa atalanta, plus communément appelé « vulcain » (cf. les paroles de la dernière chanson de l’album). C’est une bête qui m’a toujours fasciné : gamin, j’élevais des chenilles dans ma chambre, j’ai dû faire ça quelques années et arrêter car au printemps l’odeur de ma piaule n’était pas folle. La typo, je l’ai fabriquée un peu artisanalement, en re-photographiant du dymo. Ensuite j’ai voulu faire presser mon CD, mais le gars que j’ai été voir m’a convaincu d'imprimer des étiquettes pour les coller sur les CD. Honnêtement je ne suis pas fan du résultat. Pour le prix, un pressage aurait été bien mieux ! Ensuite j’ai été voir un imprimeur de ma ville pour imprimer le poster avec les paroles et les autocollants. La jaquette, je l’ai imprimée chez moi. Quand tu achètes le CD, tu peux aussi télécharger l’album en MP3 avec un code obsolète qui atteste de l’authenticité du CD (limité à 100 exemplaires) ! C'est important si tu n’as pas de lecteur CD chez toi ou dans ta caisse. Viendra le temps du streaming et on pourra écouter ces chansons sur internet. En attendant, l’album existe de manière confidentielle pour les personnes qui aiment vraiment ce que je fais au point d'acheter mon disque les yeux fermés. C’est une relation de confiance et comme ce sont des chansons où je me mets à nu, les faire d’abord exister de cette manière a du sens. Enfin je vais rassurer les gens qui privilégient le support au contenu : une personne m’ayant acheté le CD m’a proposé de le sortir en vinyle et c’est une très belle nouvelle. »
Sorti en catimini, c’est aussi dans une économie de moyens (un digifile très chouettement illusté par Loïc Dauvillier, un enfant assis, un oiseau qui chante posé sur son pied, genre découpage Papivole, mais fait à la tablette graphique) qu’est sorti un nouveau disque (Chansons douces et 36 touches, L’autre label) de Cléa Vincent, membre des fameuses Clopes et surtout à la tête d’un répertoire personnel de pop urbaine aux teintes brésiliennes et jazzy (les Tropi Cléa), qu’on pourrait rapprocher d’une certaine pop japonaise des années 70-80. D’ailleurs, le parallèle est fort à propos puisque Cléa Vincent conjugue cette spontanéité vivifiante (des paroles en apparence légère, une présence solaire, une voix souriante) avec une science du jeu (elle est une pianiste jazz calée high level) et des arrangements tombés du ciel. Elle est aussi d’emblée entrée dans la légende des lost albums, il y a quelques années, avec un album recalé juste avant sa sortie par une maison de disques un peu sourdingue et qui fait le bonheur des collectionneurs tarés – je l’ai. Son nouveau disque est un petit essai sur l’enfance (je préfère à « disques pour les enfants ») dans lequel elle excelle évidemment avec des comptines sucrées salées. Dire que la musique est en culotte courte, oui pourquoi pas, sur ce EP, avec des miniatures qui tentent de saisir quelque chose de l’enfance, cet âge bulle insensé et si lointain dès qu’on le quitte (et on a souvent envie de le quitter le plus vite possible). Les paroles tentent la proximité immédiate et futée avec les expressions idoines (Askip) mais restent surtout à distance de la facilité en bâtissant en 5 petites histoires un univers parallèle qui tient plus de l’Oulipo et de la boîte de lego que du truc coin du feu-télé démago. On est toujours, après l’avoir écouté 110 fois, à se demander de quel esprit bizarroïde à pu sortir une chanson aussi dingo qu’Ecole militaire. Il n’en reste pas moins que Cléa Vincent semble se plaire de plus en plus dans des œuvres quasi secrètes, où elle apparaît comme derrière des voiles. Un petit message à lui passer pour lui dire qu’elle nous manque aussi en pleine lumière, sur des scène à paillettes, dans les magazines papier-glacé et à la télé youtube dans Soooo Pop !
On va parler cassette, là, avec une C30 grapillée – le groupe l’a bien vendu sur scène : » il n’en reste qu’une ! », et mon sang n’a fait qu’un tour jusqu’à la table de merch – au Diamant d’or (Strasbourg) lors du concert magnifique des Percussions de la Montagne Verte. Ce collectif à géométrie variable (on a reconnu le fameux Seb Chamir à la batterie et Maria Violenza aux claviers et au chant) répondait en cette fin juillet à la météo incertaine – fraîcheur + lourdeur – par une musique tropicale et dansante étrange, traversée par des courants d’air glacés, un cocktail tout juste sucré et multicolore avec plein de glaçons. Basse musique agitée, électrifiée par la présence de Maria Violenza (quelle voix, quelle présence), les Percussions nous ont rappelé avec bonheur les spécialistes des sueurs (suées) froides de nos souvenirs lointains, quand les groupes punk s’essayaient à d’autres musiques, croisant leurs racines diy avec des trucs électro, s’appuyant sans doute à la fois sur leurs expériences de transe et sur leurs nouveaux instruments de synthèse. Chemises à fleur et papier peint poster cocotier de rigueur. La cassette documente parfaitement cette expérience et ravivera les souvenirs de cette belle soirée à chaque nouvelle écoute.