Y a-t-il encore quelque chose à écrire sur Oasis ? Tout et n’importe quoi a déjà été raconté à leur sujet. Surtout n’importe quoi d’ailleurs. Premier manager, premier batteur, grand frère, amis plus ou moins proches, beaucoup ont déjà tenté de raconter l’histoire des Gallagher dans les livres sentant souvent l’opportunisme. Souvent remplis d’anecdotes et de fables en tout genre sur les frasques et disputes de ces deux fils d’immigrés Irlandais, presque aucun ouvrage ne réussit à cerner avec intelligence le phénomène mondial qu’a été Oasis et l’importance du contexte politique, social et culturel sur son ascension météorique.
C’est sous cet angle que Nico Prat et Benjamin Durand ont décidé de parler du groupe dans Oasis Ou La Revanche Des Ploucs, donnant ainsi toute la force à ce livre passionnant. Si l’histoire du groupe est loin d’être un prétexte, c’est avant tout la mise en avant et l’explication d’un phénomène de société et sa mise en contexte qui nous est détaillée.
Arriver au bon endroit au bon moment ne suffit pas toujours. Alors pourquoi des petits délinquants pour qui la musique et la drogue étaient les seuls plaisirs ont-ils échappé à un destin déprimant ? Pourquoi Oasis a-t-il réussi là où des milliers d’autres groupes ont connu l’échec ou, au mieux, un succès d’estime ?
Comme nous l’expliquent les auteurs, parce qu’au sortir du mouvement grunge et de ses textes sur le suicide, l’inceste ou autres thèmes tout aussi légers, Oasis a su parler au plus grand nombre. Avec ses paroles, mais aussi avec sa musique. Rejetant la consommation de masse et le capitalisme prônés sous l’ère Thatcher, Noel Gallagher a fait mouche en s’exprimant du point de vue du peuple et en évoquant ses rêves d’un avenir meilleur. Il s’est de fait inscrit en opposition à la prétention de groupes anglais talentueux issus de la même scène, Blur et Suede en tête. De façon plutôt contradictoire et sans sous-évaluer le rôle de son frère Liam, ce sont la vision, le côté terre à terre et l’ambition clairement affichée de Noel Gallagher qui ont permis au groupe de prendre son envol. Les idéologies de la dame de fer concernant les classes populaires ont en ce sens été, et sans doute involontairement, digérées et appliquées avec succès par le mancunien.
Divisé judicieusement par thèmes, le livre commence par poser le contexte familial et musical avant de développer le parcours du groupe à travers la politique anglaise, puis le rapport à ses origines. En prenant le temps de s’arrêter pour expliquer le contexte historique, politique ou social, chaque chapitre est détaillé de façon à apporter progressivement les pièces d’un puzzle qui s’achève avec le retour triomphal de Liam Gallagher en solo. Loin d’étaler un savoir que l’on devine encyclopédique sur Oasis et l’histoire du Royaume-Uni, les auteurs nous expliquent l’histoire du groupe et de son pays avec une approche fine, directe et accessible.
Une fois tous les éléments apportés, on comprend mieux pourquoi un groupe que l’on résume grossièrement et injustement à deux crétins ayant bâti une carrière en pompant les Beatles, ont réussi à vendre 75 millions de disques. Mais surtout à marquer à vie une armada de fans allant du hooligan à trois neurones à Tony Blair. Même si l’on devine aisément l’opportunisme de l’ex-premier ministre qui n’a certainement jamais acheté le moindre album du groupe mais a tout de même invité Noel Gallagher au 10 Downing Street.
Avec ce livre, les fans hardcore revivront l’histoire d’Oasis sous une nouvelle perspective et les néophytes y découvriront une histoire passionnante qui se lit et vous accroche comme un roman. Vous allez enfin comprendre pourquoi et comment les ploucs ont eu leur revanche grâce à Oasis, mais aussi pourquoi cela a profondément changé toute une nation.