Faire part de ses impressions après une seule écoute, je vous le concède, ça n’est pas très sérieux. Mais voilà, ces réflexions sont sorties, à chaud, il y a déjà tant de choses à dire. On verra si c’est un grower, ce qui est possible, dans ce cas, on y reviendra, et d’autres auront d’autres choses à dire, en mieux sans doute. Alors, pour moi, le très grand disque de Lawrence (disons hors Felt/Denim pour segmenter un peu) c’est bien Tearing Up The Album Charts qui est un enchaînement de superbes et puissants tubes d’un autre temps, et dans lequel on sent une urgence liée à une science de la chose musicale hors du commun.
Mais il faut bien dire que plus Lawrence avance, plus son art semble s’auto-parodier : ou alors, c’est mon écoute qui se brouille, comme si les chansons de ce disque se baladaient avec leur petite étiquette explicative, avec ce que ça peut amener de désincarnation. Le talent, l’écriture, personne ne peut lui enlever, c’est là, mais l’envie, l’énergie, le truc de transmission et l’envie de convaincre, Lawrence ne semble plus trop s’y intéresser. Peut-être que ces petites esquisses prendraient sens ailleurs que sur un disque : dans une fiction, un film (je pensais à ce film avec la musique de Ray Davies, Return To Waterloo), une comédie musicale à Broadway, ou même un spectacle de cirque parfois – voir les effets très novelty dont il raffole dans ses arrangements, les wizzz, les envolées de chœurs , les bleeps… Tout cela frôle le conceptuel sur disque (à toi de te faire ton film) ou bascule, si on a la flemme, dans la collection de vignettes à gadgets, de jingles, de génériques d’émissions imaginaires, de spots pour les petits déjeuners des bambins le samedi matin (coucou Richard Gotainer) mais peine à nous faire lever de nos chaises tulipe, le mélodie entre les dents.
Alors, si j’étais producteur de la BBC, je proposerai ça à Mozart Estate : une extravagance à la Jean-Christophe Averty avec des images vidéo qui scintillent, des danses en collants de couleur, des chorégraphies dans des cornershops, du mouvement autour d’un groupe sur fond blanc. Comme une extension des pochettes très détaillées de ces précédents disques (je n’ai pas encore vu celle là). Lawrence est bien installé (enfermé) dans un univers très référencé qui nécessite presque des notes de bas de page pour apprécier la globalité de sa vision, je lui offrirais la lumière et les projecteurs pour que ces miniatures soient traitées à leur juste valeur : des visions. Et ce Mozart Estate n’en manque pas : le très tranchant Pretty Boy, Vanilla Gorilla et son immédiate explosivité, et surtout When The Harridans Came To Call, brillante chanson à la Denim, tombée du camion, avec cette morgue, cette façon de faire claquer les mots, d’enchaîner les parties sans forcer. Il y a aussi Honey, magnifique ballade piano avec cette basse fretless, et dont l’interprétation devrait faire pleurer les foules de rock critics – et donner la fessée aux Lemon Twigs et à leur dernier single bien forceur.
L’important reste cette impression d’être toujours branché sur cette radio britannique, émanation d’un cerveau-monde dans lequel tourne une petite musique avec laquelle on a pris l’habitude de vivre, enfin moi, vous, je sais pas.