En décembre 2002, au moment de la sortie sur la structure allemande Apricot Records de Reverb Deluxe, compilation de singles et d’inédits, nous avions rencontré Birdie, couple à la scène comme à la ville. En cette fin d’été 2018, à l’occasion du retour inattendu de Paul Kelly (ex-East Village, photographe, vidéaste) et Debsey Wykes (ex-Dolly Mixture, Saint Etienne) et juste avant leur prestation au Paris PopFest ce samedi 22 septembre, retour sur l’impeccable cassette qu’avait imaginée pour nous le tandem pour que l’on puisse mieux cerner leurs sublimes ambitions mélodiques et mélancoliques.
FACE A
DION I Can’t Help But Wonder When I’m Bound
Paul Kelly : « J’ai découvert ce morceau avec mon frère (ndlr. Martin, co-directeur du label Heavenly, manager de Saint Etienne et tout comme Paul, ex-East Village) au début des années 1990, chez un ami collectionneur de disques… Cette chanson est magnifique : imagine Bob Dylan accompagné par un orchestre à cordes ! »
Debsey Wykes : « À chaque fois que l’on enregistre une cassette pour un copain, c’est toujours le premier morceau. »
PK : « Dans cette sélection, nous n’avons pas forcément mis nos titres favoris… Nous en avons laissé plusieurs de côté. Tu as vu, il n’y a aucun Beatles ! Ni Like A Rolling Stone de Dylan, ma chanson préférée de tous les temps. Mais c’étaient des choix presque trop évidents. »
DW : « En fait, tu retrouves ici la bande-son de notre vie de couple… » (Sourire)
BUFFALO SPRINGFIELD On The Way Home
PK : « Quand on a commencé East Village, à la fin des années 80, avec mon frère et deux amis, on rêvait d’être Buffalo Springfield. On les admirait, au même titre que les Byrds ou les Beatles… Cette chanson est incroyable, elle a à la fois un feeling West Coast et un côté northern soul. C’est l’un des groupes qui m’a vraiment donné envie de faire de la musique. »
DW : « Pour Dolly Mixture, ma première aventure musicale à la fin des années 1970, le punk a joué le rôle de détonateur. Et en particulier le premier album de Blondie, que l’on trouvait parfait ! »
PK : « En revanche, la naissance de Birdie n’est pas liée à un quelconque mentor… Debsey et moi nous sommes rencontrés en accompagnant Saint Etienne sur scène, entre 1992 et 1994. Sincèrement, c’était agréable de jouer ces morceaux, mais au bout d’un moment, nous avons eu envie de composer à nouveau. »
DW : « Paul et moi avons ressenti la même envie au même moment, alors que nous étions juste amis à cette époque… »
PK : « Toutes les chansons de cette sélection provoquent des émotions chez nous, et c’est bien le seul critère pour savoir si un morceau est bon ou non. »
THE LEFT BANKE I’ve Got Something On My Mind
PK : « J’adore leur premier album, Walk Away Renee / Pretty Ballerina… Tous les types avaient une formation classique, ce qui a donné ce côté baroque à leur musique. La production est très étrange : le piano et la batterie sont placés en avant et le reste, très en retrait… Ils ne sonnent pas du tout comme un groupe de New York, tu n’as aucune idée de leur origine en écoutant leurs disques. J’ai toujours trouvé ça intrigant. »
THE HAUNTED 1-2-5
PK : « Des Canadiens que j’ai découverts sur une compilation Peebles. C’est du rock garage, mais il y a sur ce morceau la meilleure partie de batterie du monde, qui allie simplicité et efficacité ! (Rires) Si tu écoutes bien, tu comprendras que Blondie lui doit beaucoup. En fait, une fois cette liste finie, on s’est aperçu qu’il n’y avait que des morceaux des sixties… Mais on s’intéresse aussi à ce qui se passe aujourd’hui ! De toute façon, on fait une liste de ce genre par semaine. Si ça se trouve, pour la prochaine, notre sélection ne concernera que les années 80… » (Sourire)
WILLIE TEE Walking Up A One Way Street
PK : « C’est sans doute le disque favori de mon frère Martin, c’est de la pure northern soul. Il y a deux ans, Willie Tee a joué au Jazz Café à Londres. Il n’y avait pas grand monde, ce que j’ai trouvé très triste car c’est un tel chanteur… Il doit avoir 60 ans (Il est décédé en 2007, NDLR) et il a une voix intacte… Comme Arthur Lee, que j’ai vu en juin dernier. C’est incroyable. Ces gens ont gardé tout leur enthousiasme. Je ne suis pas sûr que l’on sera comme ça à leur âge ! » (Sourire)
DW : « Je crois que j’aimerais toujours monter sur scène. Quand tu as goûté à ça pendant un temps, ça devient une façon de vivre. Et quand tu arrêtes un moment, tu es perdu… Car c’est presque devenu une seconde nature. »
THE COOKIES I Never Dreamed
PK : « Après le meilleur break de batterie, voici le meilleur extrait d’un texte… » (Sourire)
DW : (Immédiatement) “He tells me I’m pretty / And Then I feel pretty / He says I make him happy / And then I feel happy…” (Sourire) « Je pleure à chaque fois que j’entends cette phrase ! Mais bon, toutes ces chansons me font pleurer… (Sourire) En tout cas, l’adéquation entre paroles et musique est ici parfaite ! »
PK : « Il me semble que ce morceau est signé de Gerry Goffin et Carole King (En fait, cette dernière est seulement responsable des magnifiques arrangements, NDLR). Si on avait la capacité d’écrire de tels trucs, on ne se gênerait pas ! »
FACE B
CONNIE McGILL AND THE VISIONS Peace Of Mind
PK : « Bob Stanley (de Saint Etienne, NDLR) m’a fait découvrir ce morceau, qui est très doux… Tiens, en plus de dater des années 60, tous les artistes retenus sont nord-américains en fait ! » (Sourire)
DW : « Le chant est très beau une fois encore. En fait, je suis jalouse de tout ce que j’aime. (Sourire) Et en particulier de… Barbara Keith ! »
BARBARA KEITH Blue Eyed Boy
DW : « Plus que toute autre, voici la chanson que j’aurais rêvée de composer… Elle est d’une… beauté intense, avec juste cette voix et quelques accords de guitare. Je sais que je ne pourrais jamais ni chanter, ni jouer de cette façon. C’est à la fois simple et magnifique. Dans une autre vie, peut-être que j’aurais pu faire quelque chose de ce calibre. (Sourire) Bob, encore lui, nous avait enregistré un CD et ce morceau était dessus… On a passé l’été 1999 à écouter cette chanson. Elle est presque trop parfaite. Si on essayait de la reprendre, on la détruirait. Littéralement. »
MOUSE AND THE TRAPS Sometimes You Just Can’t Win
PK : « Encore ce que j’appelle du… baroque’n’roll. C’est un croisement entre Dylan et les Monkees, le tout perdu dans le Midwest américain. (Rires) Un jour, après une rupture douloureuse, j’avais pris un acide et le trip a duré trois jours. Martin passait ce morceau dans sa chambre et dans mon esprit, la chanson était devenue mon amie… Je suppliais mon frère de la passer encore et encore. Et je ressens la même chose encore aujourd’hui : Sometimes… est resté ce morceau qui me permet d’échapper à l’enfer. Mais en fait, je ne sais même pas s’il est vraiment bien ! » (Rires)
LAURA NYRO Stoney End
DW : « Avec Saint Etienne, on est allé au Japon en 1993. Et Paul écoutait toujours cette chanson. Je ne connaissais pas Laura Nyro à l’époque. En rentrant en Angleterre, j’avais gardé la mélodie en tête. Elle est venue jouer à cette époque à Londres, à l’Union Chappel, peu de temps avant de décéder malheureusement. C’était merveilleux. Elle a une voix… liquide. Je donnerais tout pour pouvoir chanter comme elle. »
PK : « Ce morceau, au même titre que son Wedding Bell Blues, est l’un des hymnes du label Heavenly. C’est le premier concert où Debsey et moi sommes allés ensemble… Mais, heu… »
DW : « En fait, c’est un peu embarrassant, car on fréquentait chacun une autre personne à l’époque. » (Sourire)
JUNIOR PARKER Way Back Home
PK : « À quinze ans, j’avais rejoint une mailing-list où, contre une souscription, tu recevais des compilations de soul et rhythm’n’blues. En général, ce n’était pas très bon, mais cela m’a permis de découvrir cette chanson de Junior Parker que j’ai adorée. C’est la version instrumentale, bien supérieure à celle chantée… »
DARLENE LOVE Christmas (Baby Please Come Home)
DW : « On était dans un pub, à la fin décembre, et ils ne cessaient de passer l’album de Noël de Phil Spector. Quand cette chanson est arrivée, je me suis écriée : “J’adore ce morceau”. Et comme par enchantement, Paul aussi en était fan ! J’étais si contente qu’il l’aime… Les harmonies sont fantastiques. Et, bien sûr, très tristes. » (Sourire)
PK : « Une fois, je passais des disques à un concert d’Ed Harcourt. Je me souviens du jour, c’était le 21 juin. J’ai mis cette chanson, et deux ou trois types sont venus me voir : “Eh, vieux, tu sais que c’est l’été ?!”… “Sans rire”, ai-je répondu ! J’ai toujours eu envie de composer une chanson de ce genre, mais chaque fois que j’y pense, on est déjà en novembre ! (Rires) Bon, si ça se trouve, notre prochain album sera un disque de Noël, j’ai toujours aimé ça. Mais… Nous n’avons plus de label à l’heure actuelle. On a mis Birdie un peu entre parenthèses en 2002, même si on a trouvé le temps d’enregistrer six ou sept nouveaux morceaux. On sait depuis belle lurette que ce n’est pas facile de faire un groupe… Quand tu n’as pas de succès en tout cas ! (Rires) Des fois, je rêve de n’avoir jamais vu une guitare de ma vie. Je me souviens très bien de la première fois : j’étais gamin, j’étais chez mon meilleur pote de l’époque, Steve. Et j’ai vu cet instrument bizarre que je ne savais pas faire fonctionner. Mais je le trouvais très beau. Quand j’y repense, cet instant précis a complètement gâché ma vie ! » (Rires)