Michèle Bokanowski, Cirque (Kythibong Records)

La parution il y a deux ans de Rhapsodia / Battements solaires dans la géniale série Recollection GRM nous avait convaincu du caractère décisif du travail de Michèle Bokanowski. Son passage au festival Présences électroniques aussi, avec Deuxième chambre d’inquiétude, une pièce au minimalisme peu commun. Car il faut reconnaître au parcours de Michèle Bokanowski une exigence et une cohérence à l’image de la virtuosité de son traitement du matériau électro-acoustique : profondeur et richesse des textures côtoient sophistication des timbres, et portent à leur point le plus haut une pratique du montage et de la manipulation des objets sonores.

Michèle Bokanowski / Photo : DR
Michèle Bokanowski / Photo : DR

Née en 1943, Michèle Bokanowski est une figure essentielle de la grande aventure moderniste de la musique électronique : sa découverte du fameux livre -programme de Pierre Schaeffer, A la recherche d’une musique concrète, l’aura profondément marqué. Et aura décidé d’un trajet au sein du monde de la musique acousmatique – elle étudia auprès de Schaeffer lui-même, approfondit la synthèse du son auprès de Jean-Claude Risset, mais aussi et surtout la musique électronique aux côtés de de l’immense Eliane Radigue. Son œuvre est à cet égard emblématique de cet esprit d’expérimentation caractéristique de cette séquence pionnière de la musique électronique : Koré (1972), Trois chambres d’inquiétude (1976), Tabou (1984) ou Elsewhere (2020), pour ne citer que quelques pièces importantes, illustrent un parcours qui puise autant auprès du répertoire classique européen, que de celui des minimalistes américains ou des musiques populaires.

Avec la réédition de Cirque, nous pouvons approcher la manière dont les territoires du field recording, de l’enregistrement et la captation de sons, peuvent être investis par Michèle Bokanowksi. Et surtout la manière dont ils sont organisés au sein de constructions sonores et narratives. Cinq mouvements constituent la pièce, tous basés sur des enregistrements captés au sein de plusieurs cirques. La manipulation des sons prend ici sa pleine mesure avec la pratique de la boucle (un héritage de cette technique du sillon fermé élaborée par Schaeffer), de la répétition de motifs qu’elle organise ou de l’épaisseur des séquences qu’elle permet de déployer.

On pense évidemment aux Hörspiels de Luc Ferrari, à certaines pièces de Pierre Henry évidemment, ou aux constructions et montages du jeune Steve Reich. Pour un disque dont la radicalité formelle impressionne et fascine.


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