Cinquième album de Mark Lanegan, Bubblegum (2004) est une rupture dans la discographie de l’ex-Screaming Trees. La carrière solo de Mark Lanegan commença au final comme un accident. Enregistrant des reprises avec Kurt Cobain et Kris Novoselic, Lanegan sortit en catimini en 1990 The Winding Sheet grâce à une avance de Sub Pop. Ce disque est sec comme un coup de trique et décharné à l’extrême. Mais sans s’en rendre compte, Mark Lanegan venait de débuter une nouvelle carrière avec évidemment de nouveaux ennuis. L’enregistrement du disque suivant, Whiskey for the Holy Ghost (1994), dura des années et fut un cauchemar pour le label ainsi que pour les ingénieurs du son qui osaient s’approcher de la console. Sur ce disque, comme sur les trois suivants, Lanegan traçait sa voie bordée par les ombres de Jeffrey Lee Pierce et de Johnny Cash. Ce dernier, séduit par l’âme noire de ce grand échalas, lui proposa d’ouvrir pour lui lors d’une de ses tournées américaines. Johnny Cash, le Gun Club… Toutes ces références vont être mises en arrière plan avec Bubblegum. Lanegan casse son jouet (une habitude) pour se créer une nouvelle identité.
En 2004, les enregistrements de Lanegan se font désormais sous le nom du Mark Lanegan Band. La naissance de ce « Band » correspond au départ du fidèle Mike Johnson et à l’arrivée d’un certain Josh Homme, ex-guitariste des Screaming Trees, taulier du Rancho de la Luna et surtout nouveau patron du rock américain avec les Queens Of The Stone Age. Les ventes de Songs for the Deaf (2002) vont permettre quelques largesses. PJ Harvey, Greg Dulli des Afghan Whigs et Duff McKagan des Guns N’ Roses sont dans le studio. McKagan avait plus qu’aidé Lanegan à enregistrer Field Songs.
Enregistré par Chris Goss, le maître à penser de Josh Homme, Bubblegum montre un Lanegan gonflé à bloc qui puise son inspiration dans les enregistrements de Saccharine Trust, un groupe du label SST vénéré par Kurt Cobain. Requinqué par la fin définitive des Trees et par le début de l’aventure QOSTA, Mark Lanegan semble s’autoriser des incursions sur le territoire du punk et fonce tête baissée pour recracher l’héritage des Hüsker Dü. Cette réédition montre surtout que le garçon (et son entourage) en avait largement sous la pédale. On trouvera l’EP Here Comes that Weird Chill (2003), prélude de Bubblegum enregistré avec la même équipe, dans lequel Lanegan tâtonne vers un rock froid et métallique tout en gardant son adoration pour Johnny Cash. La réédition, publiée par Beggars Arkive, comporte donc une ribambelle d’inédits, une version du disque remasterisée et un livre, écrit par Troy Van Leewuen, Josh Homme, Chris Goss, Alain Johannes, David Catching, Greg Dulli et Duff McKagan ainsi que des photographies inédites de Steve Gullick.