Maison Neuve, Vivi (Sauvage Records)

« Nos rêves ont expiré comme nos poèmes de lycée »

Derrière ses allures de gentleman doux et courtois, Guillaume Faure dissimule une âme sombre et tourmentée qu’il apaise en enregistrant inlassablement des disques depuis une vingtaine d’années sous le nom de Maison Neuve, qui recouvre aussi un groupe, garde rapprochée de ses obsessions. Je l’avais rencontré au milieu des années 2000, en invité surprise de Lispector pour un concert que nous avions organisé pour elle à Strasbourg. Guillaume, emmitouflé dans un long manteau noir en laine, avait joué un set tout simple avec sa guitare acoustique aux cordes de nylon. C’est encore avec Lispector qu’il explore le format étrange de split album en 2006, puis fait paraître via Talitres son album Joan en 2011. Jusqu’alors principalement anglophone, Maison Neuve revient avec un album tout en français, Vivi, présenté comme le chant du cygne du groupe. Le quatuor dégage un son rock, vivier de guitares en liberté, acoustiques, électriques, son clair, son saturé, dans une véritable urgence – c’est donc la fin – qui entoure la forte personnalité de Guillaume et ses textes si personnels, si incarnés par une voix aux tonalités pourtant si douces. Le groupe joue en alternance de façon apaisée, parfois tout en tension, toujours précis et trouve un équilibre rare. Pas d’afféterie ici, Guillaume se dévoile dans une écriture ambitieuse. Lyrique (« J’ai vu l’aurore, elle te ressemblait, j’ai vu l’aurore au bout de la nuit dans un noir de jais qui dormait sur Paris, Paris m’a parlé »), sans jamais sombrer dans la complaisance, avec une légèreté de façade, comme une poésie frontale qui s’assume, sans ironie, portée par un classicisme dans la forme. Elle pourrait se rapprocher des Néo-zélandais des années 90 (l’école Flying Nun des Chills ou des Bats) : Mon cannibale, par exemple, avec ce chant doublé et cette dynamique rythmique douce, ou Benno et sa tension maintenue par une accroche minuscule, mais efficace, de notes de synthé en renfort. Classicisme encore, avec la ballade arpégée Jean-Baptiste, ou les enchevêtrements de guitares noisy dans la longue traversée (sept intenses minutes) d’Une cité électrique… Maison Neuve a trouvé au bout de son chemin un Graal finalement peu commun par ici : raconter des sentiments premiers (l’amour dans tous ses états, la nostalgie, la colère, l’absence, la perte…), les fixer dans une musique à guitares et les porter sans fard, sans sourire en coin, ni clin d’œil complice. À prendre ou à laisser. Je prends et j’en redemande. À genoux, s’il le faut.

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