Nous connaissions Toulon pour sa rade, ses marins, ses bars ou son équipe de rugby (le stade Mayol, le muguet, les frères Herrero, tout ça), la ville héberge aussi une scène rock active et, semble-t-il, passionnante. Toolong Records, un micro-label installé à Toulon, témoigne de cette vivacité : le catalogue de la jeune maison de disques (qui débute aux alentours de 2014) comporte une demie douzaine de références, parmi lesquelles Twin Apple, Skyers ou El Botcho. LuneApache, mené par le magnétique Anthony Herbin, ex-membre du duo Boreal Wood, permettra peut-être au jeune label de se faire un nom au delà des cercles initiés.
Le groupe varois navigue avec aisance entre la scène psychédélique internationale et la pop francophone, un pied dans les psych fests, l’autre dans les scènes de musique actuelle. LuneApache contribue ainsi, à sa manière, avec d’autres (Tôle Froide, Carambolage, Requin Chagrin, etc.) à ouvrir les portes du français à d’autres expressions que la variété, la chanson ascète ou la pop légère. À notre connaissance, le sentier emprunté par LuneApache se révèle d’ailleurs quelque peu inédit dans le paysage hexagonal et francophile actuel. Partageant ses guitares avec La Houle et son mysticisme avec La Mirastella ou Forever Pavot, LuneApache convoque à travers Onironautes, son premier album, surtout des formations nord-américaines contemporaines telles que les Black Angels ou le Brian Jonestown Massacre. Coté francophone, la formation toulonnaise évoque parfois les Québécois de Ponctuation. Le groupe pare ainsi son psychédélisme de chrome et d’acier. Lancé à fière allure sur une autoroute ensoleillée, la machine palpite, vibre, tremble mais tient bon. Des volutes d’encens se mêlent aux odeurs de gasoil (Bardo, Nébuleuses). Le soleil scintille dans l’habitacle et créé d’étranges mirages sur la route. Le groupe, soudé et compact, livre un récital électrique à haute fréquence (Onironautes). Les tours s’emballent, les pistons marquent le rythme mais Anthony Herbin garde le cap, une main sur le volant, l’autre à la recherche d’une station radio imaginaire. De lointains échos des Mamas & Papas (la flûte de la superbe Le Monologue de Jane) croisent les Beatles ou les Doors (Légendes Païennes) et se mêlent à des influences plus contemporaines. Le tempo ralentit régulièrement (L’apesanteur), histoire de faire le plein, mais en filigrane, toujours cette agréable sensation de maîtrise. Onironautes offre une expérience sonore étourdissante. Le français de LuneApache rencontre ici des paysages qui lui sont peu familiers, mais l’expérience étonne par sa fluidité et son aisance.