Pictures On My Wall #1 : Louis Teyssedou

Louis Teyssedou
Photo : Louis Teyssedou

En jetant un coup d’œil aux photographies de Louis Teyssedou – même si elles valent surtout le coup qu’on s’y attarde –, me revient en mémoire cette jolie phrase de son homologue Philippe Lévy : “Il n’existe pas de bonnes idées, juste un beau moment, une expression, un regard …” À Amiens – où je me souviens avoir vu Moose un beau soir de 1993 ou 1994, mais c’est une autre histoire –, ce professeur trentenaire est tombé pour l’indie pop en découvrant Oasis et son single parfait (ou pas loin), Supersonic. Qu’en reste-t-il vingt-cinq ans plus tard ? Certes, plus aucune Cigarettes et plutôt du vin rouge quand il est question d’Alcohol , mais une passion intacte (ou exacerbée, au choix), alimentée par les fils d’une pelote qui ont conduit Louis plus que de raison vers la prude Albion ainsi que vers le webzine Soul Kitchen, dont il noircit les « pages » depuis dix ans exactement. Entre deux corrections, il est aussi un photographe hors-pair, qui, après avoir privilégié le Polaroid, ne travaille qu’en argentique. Auteur de ces propres tirages, déjà convié deux fois pour des expositions d’urbex, véritable « passeur » désireux de partager sa passion et de la voir passer de père en fils (comme en témoigne la très douce photo d’ouverture), Louis Teyssedou inaugure, avec dix portraits sélectionnés par ses soins, notre série dédiée aux photographes de la chose musicale. Mais, au final, surtout humaine.

1) Lawrence, Go-Kart Mozart – 2018, Le Hasard Ludique à Paris

Canon EOS 33/85 mm 1.8 Trix 400 poussée à 1600

« Je crois que je réalise toujours pas de l’avoir croisé et surtout de l’avoir photographié.
J’ai découvert Lawrence via Oasis. Alan McGee a signé Felt en 1986… Donc quand tu es fan d’Oasis, tu te dis que Felt, c’est forcément bien. Il m’a fallu du temps pour aimer ce groupe. On est aux antipodes de Supersonic et de Live Forever. Il faut tomber au bon moment avec le bon disque. Le déclic est venu avec The Splendour Of Fear. Après plus rien ne fut pareil…
Felt était le meilleur groupe des années 80. Mais aussi le plus beau. Les photos du duo Lawrence/Gary Ainge sont superbes. Le premier a un visage rond, le second un visage très triangulaire. Le premier a un regard doux, le second un regard assez félin. En 2018, Lawrence est seul et ne regarde plus l’appareil quand on le prend en photo…. »

2) Dominique A – 2018, chez Wagram à Paris

Konica Hexar AF – Fuji 400 Pro

« Même combat que pour Felt… J’ai mis quelques années à rentrer dans la musique de Dominique A. Et puis un jour j’ai écouté La Musique/La Matière. Et plus rien ne fut comme avant. Grâce à ce disque, j’ai compris A et j’ai réévalué à la baisse pas mal de disques.
On s’est croisé dans les locaux de son label. J’avais sur moi un 35 mm compact. Un Point & Shoot redoutable : tu allumes, tu fais la photo. J’avais pris une pellicule de qualité. On a fait donc quelques photos en quelques secondes. Je ne suis pas très porté sur la couleur. Cette photo me donne tort. »

3) Chevalrex – 2016, chez Vietnam à Paris

Polaroid 225 – Fuji FP100 C

« Attention, on approche d’une bande très douée. Il y a O, Thousand et surtout Chevalrex.
J’ai croisé Rémi aka Chevalrex dans les locaux de son label : Vietnam. Interview et quelques photos faites avec un appareil archi fiable (ça compte) et un pack de Polaroid.
On a fait quelques photos… Il doit tenir dans sa main les premiers Polaroids que nous avons faits. La chimie mettait du temps à sécher. Le Polaroid Pack 100 avait le chic de transformer la personne que tu prenais en photo en assistant… »

4) Marble Arch – 2018, à Paris

Canon EOS 33 – 50 mm 1.4 – Trix 400

« Une photo prise à Montmartre. Je pensais à autre chose au niveau du cadrage… Et puis les choses se sont révélées impossibles. On a donc fait les choses différemment. Et j’adore cette photo. Elle résume bien la musique de ce garçon : sur terre et dans les nuages à la fois. »

5) Michael Head & The Red Elastic Band – 2017, Union Chapel à Londres

Canon EOS 500 – 50 mm 1.8 – Kodak Portra 800

« Lui, il fallait que je le voie avant de mourir. Mais vraiment. Le rendez-vous avait été donc pris pour son live à l’Union Chapel à Londres. Concert totalement dingue avec des cuivres, un groupe qui joue serré. Et évidemment une set list en béton armé. A chaque chanson, tu tombes à la renverse. Et quand il joue Comedy, tu ne te relèves pas. Mick Head gagne tout le temps.
On s’est croisé après dans les loges. D’un seul coup, tu as tous les articles de presse musicale qui te reviennent dans la tête. La carrière de ce type relève du mythe. Il était là au début des années 80, a vécu des hauts et beaucoup de bas… Et je n’ai jamais vu un type aussi souriant et heureux. Je n’ai pas voulu l’embêter avec mon appareil. »

6) The Apartments – 2015 à Rouen

Polaroid 225 – Fuji FP 3000 B

« L’un des meilleurs concerts que j’ai vu…
J’ai découvert The Apartments grâce à Cédric Duchamp. Talitres avait réédité Drift. J’y viens donc tardivement. Et évidemment, je ne vais écouter que ça en me disant que je ne verrais jamais Peter Milton Walsh en concert. Qu’importe… Ecouter Drift dans son salon, c’est déjà beaucoup. Et puis Microcultures, et puis Twenty One. Et puis la tournée.
Cette photo a été prise au Kalif à Rouen. Il n’y avait pas encore de scène à cette époque. Le groupe joue au même niveau que le public. La salle est blindée et je suis au premier rang. Voir The Apartments se déchainer sur The Goodbye Train… Après ça, on peut arrêter de faire des concerts. Antoine, Natasha, Fabien, Peter.. Tous ont été parfaits.
Je pensais faire un ou deux Polaroids lors du concert. J’ai cramé tout le pack. Ils ne sont pas parfaits (faire du Polaroid en concert n’est pas facile) mais ils ont le mérite d’être là. Et le truc classe avec les Polaroids, c’est que tu peux les distribuer. Un de ces Polaroids est parti en Australie. »

7) Andy Shauf – 2017 à Amiens

Huawei P9

« Andy Shauf ou le mec le plus calme du monde.
On fait quelques photos après une interview faite lors de son passage à La Lune des Pirates à Amiens. Je fais des photos avec mon appareil argentique. Un vieux Pentax. Et je double en vitesse avec mon portable. J’ai bien fait. Mon Pentax a rendu l’âme pendant le shooting. Il reste cette photographie. Et je l’aime beaucoup. »

8) Alex & Manu (My Favorite Horses) – 2017 à Amiens

Canon EOS 70D
Canon EOS 70D

« Je suis tombé raide dingue amoureux de la musique de ces garçons. En 1994, une major les aurait signer de suite. Mais on est en 2018…
Depuis leur premier EP, on ne sépare plus. On a fait ces photos dans un restaurant amiénois. En plus d’avoir de superbes chansons, ils ont des super visages. »

9) Ought – 2016 à Amiens

Sony Nex 5N – Canon FD 35 mm 2

« J’avais lu sur un site américain que le Canon FD 35 mm 2 était un super objectif. C’est un des meilleurs 35 mm que j’ai eu. Le piqué et les contrastes sont dingues.
Ought a donné un concert d’une classe folle à Amiens. Musique sèche et raide. Comme le visage de Tim Darcy. Un ami très cher me dit toujours : « Il faut que tu saisisses l’instant ». Je crois que j’ai réussi ce soir là. »

10) Nick Power (The Coral) – 2018 à Paris

Canon EOS 33 – 50 mm 1.8 – Trix 400

« Les Coral, toujours en vie en 2018. Après avoir le départ de deux guitaristes, après avoir sorti un album tous les ans au début des années 2000. Grand retour en 2018 avec un album de pop comme on n’en fait plus.
Je rencontre enfin Nick Power. On échange ponctuellement. On se croise enfin. On fait quelques photos… C’est bizarre de faire le portrait de quelqu’un. Même dans le cadre d’une promo. C’est assez intrusif voire « violent ». Avec Nick, on se connait au final. Ça aide. Portrait de face à l’argentique. Rapide et direct. Comme la musique des gens de Liverpool… »

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