Les performances et installations de Lea Bertucci impressionnent toujours par leur caractère immersif, et par l’extrême contention de l’expérience du son qui en découle. Un usage particulièrement créatif de l’espace notamment, qui n’est pas sans évoquer les recherches « psycho-acoustiques » de Maryanne Amacher. Et qui permet d’inscrire le travail de Bertucci, étoile montante de la scène expérimentale new-yorkaise, au sein d’une constellation d’artistes sonores très largement influencés par le fameux concept de « Deep Listening » élaboré par Pauline Oliveiros. Aussi, ses productions discographiques sont à aborder dans cette perspective : déjà, avec A Visible Lenght of Light, son précédent LP paru en 2021, constructions minimalistes et recherches timbrales sophistiquées venaient constituer des pièces à l’abstraction hypnotique fascinante.
Avec Murmurations, son dernier disque paru sur son propre label Cibachrome Editions, elle s’associe avec Ben Vida, représentant central d’une certaine avant-garde électronique, pour des propositions électro-acoustiques tout aussi passionnantes. Un travail qui se structure à partir de deux polarités se déployant en miroir : instruments samplés du côté de Bertucci (clarinette basse, saxophone alto, flute) viennent constituer le matériau qu’il s’agit de traiter à travers un système modulaire du côté de Vida. Le tout étant re-saisi par la manipulation de bandes magnétiques en temps réel, pratique dans laquelle excelle Lea Bertucci. Des titres comme The Vast Interiority ou I Am The Size Of What I See peuvent témoigner de cette impressionnante maitrise du traitement sonore – que vient renforcer un usage particulièrement pertinent et subtil du field recording. Surtout, c’est par le dialogue qui s’instaure entre deux figures de l’improvisation électronique que ce disque se révèle passionnant : issu de sessions entamées durant l’été 2021, Murmurations porte à son point d’aboutissement ce que pourrait être une logique de l’échange et de l’hybridation entre deux démarches pourtant caractérisées par leur radicale singularité. Minimalisme, drone music, ambiant abstrait et expérimental, convergent au sein d’un disque à la beauté formelle saisissante. Sans oublier le traitement particulier auquel sont soumises les voix, ouvrant sur un territoire sonore encore peu exploré (Gasps And Spasms). Bref, un disque qui s’impose comme l’un des plus intéressants du moment.