Le Roi, c’est l’étonnant duo qui réunit deux musiciens proches et qui ont commencé en même temps, croisant dans les mêmes eaux de l’ouest de la France. A ma droite, le poids lourd désormais, Katerine, tant aimé et qui, à force de comédies populaires au cinéma, pourrait facilement postuler à la personnalité préférée des Français, à mi-chemin entre Yannick Noah et Jean-Luc Godard. A ma gauche, un musicien plutôt de l’ombre, pointu, le culte Pierre Bondu, à qui K renvoie une sorte d’ascenseur amical, on l’imagine : ne jamais oublier ceux qui vous sont proches, faire profiter son entourage d’un peu plus de lumière, c’est sans doute les premiers commandements de la vie appliqués par n’importe quelle vedette plus intelligente et sensible qu’égocentrique. D’ailleurs, Le Roi balance toujours ce truc farfelu (merci le clip façon Second Life gonflée à la Midjourney, poke Chris Marker) et mélancolique du génie des bocages mais dans une teinte un peu nouvelle : ici, on assiste à une parade crépusculaire et nostalgique, avec un Katerine presque revenu de tout (« acting, singing »), un peu désemparé, (vraiment) seul au sommet, jouant l’égo trip faussement modeste, se plaçant en héritier de Gainsbourg, autre tête couronnée de chez nous, en citant Sorry Angel. C’est peut-être aussi la traduction de ce qu’il dit aimer tant chez les grands décalqués de l’Amérique, Drake ou Kanye : traduction de ce blues de parvenu, de la mélancolie du gros riche, mais avec sa politesse toute bien élevée qui le caractérise. Qui l’empêche peut-être de verser dans le caniveau, Dieu merci, malgré une moindre urgence dans les affaires de la musique, préservant cette façon bien à lui de souligner avec justesse la finitude des choses. Peu importe si c’est ici sur un tapis de synthèse – Katerine semble de moins en moins se soucier d’enjeux stylistiques de sa musique, du moment qu’il préserve l’urgence de son expression. En tirant par les cheveux, on peut rapprocher l’instru électro des constructions minimales qui structuraient le dernier disque de science-fiction instrumentale de Pierre Daven-Keller, le très bon Planète, sorti l’année dernière. On peut regretter la discrétion de la voix de ce dernier qui s’est tu ces temps-ci, tant son beau timbre ténébreux lui va comme un gant sur son couplet en or. Couplet en or contre le gant du roi, de pourpre et de fourrure blanche, celui de son ami, pour la vie, donc.
Home > borne d'écoute > Le retour du Roi