La disparition de Florian Schneider, cofondateur de Kraftwerk avec Ralf Hütter le 21 avril dernier, n’a probablement pas eu l’écho qu’elle aurait du avoir, en partie à cause du contexte de pandémie. Cette mixtape est une sorte de mea culpa. En découvrant la techno pendant les années 90, tant d’artistes, Aphex Twin en premier, citaient le groupe de Düsseldorf comme la référence absolue. A tort sans doute, j’ai sciemment évité le groupe allemand, car le snob musical que j’étais les jugeait trop évidents. Ce n’est qu’au terme d’un concert triomphal aux Transmusicales 2004 que j’ai vraiment mesuré l’étendue de mon erreur. Ils avaient inventé bien plus que la musique synthétique : ils ont initié la pop moderne. Au-delà des rythmes en boucle et les bleeps si chaleureux, ce sont surtout les mélodies que l’on retient, qu’il s’agisse des Robots, de Trans Europe Express, Numbers ou Radioactivity.
Cinquante ans après leur débuts, force est de constater que Kraftwerk aura certainement davantage influencé la musique moderne que les Beatles. Ils restent l’un des rares groupes a avoir eu le même impact, peu importe l’origine de l’artiste. Leurs morceaux intemporels ont évidemment inspiré les pionniers électroniques comme Juan Atkins (Kraftwerk aura fortement marqué des titres comme Clear ou Night Drive, les tout premiers morceaux décrits comme Techno) ; et quelques années après, The Chemical Brothers (Leave Home sample Ohm Sweet Ohm, même si les anglais le nieront après) ou, bien sûr, Aphex Twin (Renalgade Sonar sample Uranium, tout comme Blue Monday de New Order).
Mais c’est sans doute le hip hop qui aura le plus honoré Schneider et Hütter, en samplant presque à outrance TEE (Busta Rhymes + Pharrell Williams, Dr Dre + Jay-Z, mais aussi et surtout Afrika Bambaataa) ; Numbers (Bambaataa également, mais aussi plein d’autres) ; The Robots (Dr Octagon) ; The Man Machine (Jay-Z, The 2 Live Crew) ; ou Home Computer (Missy Elliott… et même si Lose Control sample plus directement Cybotron que Kraftwerk, cela reste un bel hommage).
Sans oublier les héros indie comme The KLF, qui font un subtil clin d’œil à Home Computer dans What Time is Love ou Stereolab, qui a repris Autobahn, mais tout en douceur, dans Emperor Tomato Ketchup ; tout comme de DJ Shadow, dont le subtil bruit recurrent de vocoder dans What Does Your Soul Look Like, part 4 vient directement de Numbers.
Forcément, le divertissement de masse n’aura pas non plus échappé à l’influence de nos amis teutons. Qui peut nier que la fin du thème de K 2000 évoque TEE ? Quant à la pop commerciale – on vous a épargné les morceaux qui suivent dans la mixtape -, lorsque les voleurs récidivistes (Will Smith, Fergie) s’y mettent, ce n’est pas surprenant. Mais Miley Cyrus se servant de l’obscur Radioland pour un titre expérimental, cela étonne davantage. Le pompon reste Chris Martin de Coldplay, lorsqu’il demande à ses idôles par écrit le droit de réutiliser l’air de Computer Love pour Talk. Il aurait confié s’être senti « comme un gamin de 15 ans » à ce moment précis. Kraftwerk, des titans qui dégonflent même les plus gros egos de la musique… Aujourd’hui, leur statut de pierre angulaire de la pop sous toutes ses formes est assuré pour toujours. Même quand un cofondateur nous quitte. La preuve en 26 morceaux.