Si la musique cumbia est apparue sur la côte caraïbe de Colombie d’une fusion de rythmes africains, amérindiens des Antilles et d’influences européennes, c’est à partir des années 1930 qu’elle est enregistrée par le label Discos Fuentes et s’impose dans le pays avant de commencer à s’exporter en Amérique Latine au cours de la décennie suivante. Dans la seconde moitié du XXème siècle, elle arrive au Mexique comme d’autres styles du pays comme le Vallenato via l’immigration colombienne, les tournées d’orchestres colombiens et leurs disques. Dans les quartiers ouvriers de Mexico où la danse populaire a déjà une longue histoire, née la culture Sonidero. Fixés sur leurs systèmes sons bricolés, les sonideros diffusent des disques colombiens à plein volume. Les rythmes latinos ne sont plus réservés à l’élite. Ici la fête a lieu dans la rue et est gratuite et populaire. Les gens dansent sur la cumbia entrecoupée par les saludos adressés au public ou aux amis et à la famille partis émigrer à des milliers de kilomètres.
A Monterrey, dans le nord-est du pays, les disques colombiens sont là aussi arrivés à destination, transitant par Mexico ou les États Unis. Les sonideros officient à coup de musique folklorique dans le quartier pauvre de la Independencia sur les hauteurs de la ville. Un jour l’un d’entre eux, le désormais
célèbre Sonido Dueñez, vit son matériel surchauffer après avoir joué pendant 5 à 6 heures lors d’une fête. Sa platine se mit alors à jouer la cumbia au ralenti faisant ainsi baisser la tonalité. N’arrivant pas à la réparer, il continua à jouer cette cumbia rebajada que les gens appréciaient. Les morceaux semblaient
alors plus profonds et les paroles plus faciles à comprendre. Puis des cassettes et des disques de cette cumbia 100% Monterrey ont commencé à s’échanger à petits prix.
La pratique des sonideros s’est ensuite diffusée aux mexicains vivant aux États Unis avec l’émigration des années 1990 et 2000. Notamment la région de baie de San Francisco et la ville d’Oakland qui abritent d’importantes communautés ouvrières immigrées dans lequel s’est développé une scène cumbia underground assez active les 15 dernières années. On y trouve notamment le collectif et label Discos Resaca (littéralement les disques gueule de bois), qui
réunit des musiciens issues d’horizons, de genres et de styles musicaux différents. Certains venant du Mexique, d’autres du Nicaragua, du Pérou, du Salvador ou de Porto Rico, chacun amenant sa touche et son histoire à ce joyeux melting-pot pot sur une solide base cumbia et oldies. Ils créent, enregistrent et produisent leurs compositions et les sortent en vinyle pour la plupart, que demande le peuple !
A Oakland, on trouve aussi le super label Discos Mas qui produit en quantité des 7″ de qualités. Lancé en 2013, il a produit des artistes locaux (ou d’ailleurs) comme justement Discos Resaca, Turbo Sonidero ou Philthy Dronez. Mais aussi Ritmos Tropicosmos, un groupe d’Oakland de sept musiciens qui joue une
cumbia psychédélique et futuriste. Selon leurs dires ce serait une sorte de « mélange de cumbia organique avec des épices électroniques à la Mort Garson et Pierre Henry, une grosse cuillère de Los Destellos, une pincée de LSD et une quantité incommensurable de puro tropicosmos« . Le label propose aussi ses propres créations avec entre autre Los Disco Duro qui entend réinterpréter les classiques latinos avec un synthétiseur analogique, une base de percussions afro-caribéennes modernes et des vocoders robotiques. On retourne en Colombie pour finir avec l’excellent La Tromba Bacalao, découvert par hasard sur bandcamp. Ces sept agitateurs de Bogota viennent de sortir leur premier album El Jornal del Volatinero en 2020 après 7 ans à enchaîner les concerts (ils sortent une cassette bientôt). Un genre de pogo tropical naviguant à vue entre vallenato soufflé au synthétiseur et ballade psychédélique. A savourer.