Le disque de commande, ou plus précisément de résidence pourrait devenir un genre à part entière dans les prochaines années. Plutôt réservée aux arts plastiques, aux vidéastes ou aux écrivains, la résidence est devenue en effet un moyen pour les musiciens de préparer des concerts ou de futurs enregistrements dans de bonnes conditions. Ce glissement témoigne, d’un côté, de la nécessité pour les groupes de trouver des moyens de subsistance complémentaires aux concerts et à la vente de disque et de l’autre, de la nécessité pour les institutions (les fameuses SMAC notamment) de se diversifier et de rendre visible leurs actions auprès de leurs tutelles, communales ou régionales. Voilà pour la tambouille. Le Confort moderne, installé à Poitiers, a décidé d’éclater ce dispositif pour en faire autre chose, de bien plus ambitieux, sans souci tutélaire : un véritable laboratoire de projets expérimentaux et de création, pour mener à bien l’enregistrement de disques originaux, avec des idées simples et qui font mouche. En 2015, Forever Pavot menait une enquête à la fois sociologique et archéologique auprès de collectionneurs d’instruments rares dénichés sur Le Bon Coin (Le Bon Coin Forever), suivi en 2016 de l’aventure de Ricky Hollywood et de ses Dix-iples, une équipe de musiciens débutants / confirmés rassemblés autour du prodige de Montreuil dans une fermette idéale de la région de Tours. Kcidy a dit, le second album de la jeune Lyonnaise Kcidy, a donc été imaginé dans un dispositif créé dans le cadre du Confort Moderne (et porté en vinyle par les labels Another Record et Le Pop Club Records). Une cinquantaine de musiciens volontaires, jeunes ou vieux, experts ou débutants, ont défilé sur le temps imparti de onze jours pour improviser des parties sous la direction artistique de Kcidy, accompagnée par Rémi Micharme à la technique, sur le principe du « Jacques a dit ». Évidemment, les trois disques qui résultent de ces aventures sont très différents, avec des démarches à chaque fois spécifiques à chaque musicien, mais ils ont des points communs indéniables : cette foi dans ce moment de rencontre, et cette envie d’aller vers celui qui détiendrait une sorte d’élixir de pureté, de remède contre l’enfermement. L’amateur, comme symbole fantasmatique d’énergie et de renouvellement, comme guide vers la lumière. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cela fonctionne à chaque fois : le disque de Kcidy est un recueil très homogène de piécettes solaires, parfois dansantes, pour la plupart instrumentales, de pop sautillante et souriante, légèrement voilée de mystères psychédéliques. A rapprocher de nos lettons favoris, Domenique Dumont, ou d’une electronica rêveuse des années 1990 (qu’on trouvait par exemple dans le fabuleux sous-label de Domino, Series 500 (Antiroc, Basilica, Cinema…), dans un croisement fluide et caressant de musique planante allemande et de déhanchements syncopés années 80. Une musique lovée dans sa pochette rose et verte, peuplée de petits personnages protéiformes, imaginés par Antoine Eckart, et qui reflètent cette idée de multitude heureuse. Le paradis, c’est les autres.
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