Jim Stewart, le co-fondateur de Stax est décédé le 5 décembre 2022. Il rejoint sa grande soeur, co-fondatrice du label, Estelle Axton, partie en 2004. Né dans le Tennessee, Jim Stewart déménage à Memphis en 1948. Il joue du violon dans un groupe de country du coin, les Canyon Cowboys. Son attrait pour la musique l’incite à créer un premier label. En 1957, sans expérience, il lance Satellite Records et sort quelques disques de country produits avec les moyens du bord. Il convainc son ainée, Estelle Axton d’investir à ses cotés. Celle-ci met sa maison en hypothèque afin d’acheter un enregistreur à bandes Ampex 350. Le label déménage dans un ancien cinéma désaffecté et se ré-oriente alors vers le R&B, un choix éclairé. Les premiers 45 tours permettent au label de se faire un nom dans la région de Memphis.
En 1961, le label devient Stax, nom constitué des deux patronymes des fondateurs (STewart et AXton). Il signe un partenariat de distribution avec le mastodonte Atlantic et décolle alors nationalement. Après les premiers tubes de Carla & Rufus Thomas, Jim Stewart et Estelle Axton découvrent Otis Redding (photo) en 1962, qui il était venu accompagné un groupe instrumental en tant que chauffeur. Le label et sa boutique associée deviennent vite un épicentre de la musique soul dans le sud et participe à l’émergence du son Southern Soul. Stax réunit en effet de nombreux excellents musiciens et songwritters à ses cotés : Isaac Hayes, Steve Cropper, Donald Duck Dunn, Al Jackson Jr., Booker T. Jones, David Porter etc. Les différents backing bands de la maison (Mar-Keys, Booker T and the MGs, Bar-Kays) assurent au label un son unique et fournissent eux-mêmes quelques tubes tels quel Last Night (1961), Green Onions (1962) ou Soul Fingers (1967) . Jim Stewart est régulièrement aux manettes. Stax, au sommet de sa gloire, produit une quantité vertigineuse de hits dans les années soixante. En plus des succès maisons de Sam & Dave ( Hold On I’m Comin’, 1966) , Eddie Floyd (Knock on Wood, 1966) ou William Bell (You Don’t Miss Your Water, 1961), le label produit certains chanteurs d’Atlantic tels que Wilson Pickett (In The Midnight Hour, 1965) ou Don Covay (See Saw, 1965).
Au delà d’un incroyable succès commercial, la réussite de Stax est un plaidoyer pour le vivre ensemble, blancs et noirs ont ici leur place et travaillent en harmonie à créer la meilleure musique possible. À une époque où la ségrégation reste très effective et de surcroit dans le sud confédéré, Stax parvient à dépasser les préjugés. Jim Stewart en est très fier mais malheureusement l’ambiance change rapidement à la fin des années 60. En 1967, Otis Redding et certains de ses musiciens perdent la vie dans un crash d’avion. La même année année, Stax quitte Atlantic en de mauvais termes. Les producteurs de Memphis se font fait rouler dans la farine par les New-yorkais. Atlantic devient en effet propriétaire de l’ensemble des masters distribués par ses soins entre 1960 et 1967. Fatigué et déprimé par les événements, Jim Stewart se retire peu à peu du label. Sa sœur quitte à la même époque Stax, en conflit avec Al Bell, le directeur général. En 1968, l’assassinat de Martin Luther King Jr à Memphis, dans un lieu fréquenté par les musiciens, finit de plomber le moral des troupes. Al Bell rachète les part de Jim Stewart en 1974. Il ne parvient pas à remettre Stax dans la lumière et le label fait faillite l’année suivante. Jim Stewart se retire alors de la vie publique, au point de faire intervenir sa petite fille pour son intronisation au Rock & Roll Hall of Fame en 2002. Le décès de Jim Stewart nous rappelle à quel point Stax est cher à notre cœur. Ce label a révolutionné la soul dans les années soixante et a soutenu avec passion la fraternité. Ses chansons, autant que ses valeurs, traversent les années pour apporter tant de joie et de sens dans nos vies.