Sur le groupe facebook que Stéphane Lemarchand a créé, « J’écoute une K7 de la vedette », Daniel Yeang anime le réseau et rythme les journées de ses presque six cents membres abonnés en postant les innombrables écoutes qu’il fait à droite et à gauche. Les nouveautés touchent à tous les styles (du métal au rap en passant par tout l’éventail pop rock) et sont présentées sans chichi, référencées objectivement comme dans un catalogue, et accompagnées d’une note (au dixième près) sur vingt. Pour le reste, à nous d’inventer les discours et les histoires qui vont avec, en animant (ou pas) le débat dans les commentaires. Nouvelle forme de critique musicale collective adaptée au flux incessant des sorties ? Premier tamis avisé et finalement très personnel ? Il y a des deux, sans doute plus que ça, mais le plus important c’est que cette initiative prolonge cette excitation à la découverte, et l’inscrive dans notre quotidien. C’est via Daniel, donc, que j’ai découvert Jesuslesfilles, nom visiblement né d’un quiproquo (« Je suis les filles », mal lu), un groupe de Montréal. Alors que leur précédent disque avait déjà tapé dans l’oreille éclairée d’Alex dans les pages de ce site, leur rock’n’roll yéyé noisy m’a de suite interpellé par son urgence et sa fraîcheur, si bien que j’ai immédiatement proposé à Daisy Winling, la nouvelle correspondante permanente au Québec de mon Groupie (scoop !), d’aller enquêter (à suivre dans un prochain numéro).
Son puissant, paroles minimales, une musique tout en riffs et en convulsions, avec des guitares qui n’hésitent pas à se perdre dans des soli étoffés ou pointus, on est pas loin de l’extase quand on ressent une certaine mélancolie pointer son nez : la malice de Jesuslesfilles, c’est leur finesse dans l’agencement de leur garage, tout en dynamiques, en relances. Je penserais pour rester simple à un croisement entre le rock néo zed à la Flying Nun, le Pavement des débuts et un Téléphone fantasmé mené par Olive plutôt que par Jean-Louis. Genre. Bon d’habitude, tout ce qui ramène sa fraise de guitariste (celui qui met le volume bien fort en répétition), on a envie de le jeter dans la rivière avec sa planche à pédales comme bouée, mais là, force est de constater que Martin Blackburn et Guillaume Chiasson nous font une masterclass sur tout l’album et on se surprend même à attendre le prochain accord, le riff savant, le chorus précis, la cocotte qui tue sa mère. Ça dépote de partout avec cette voix haut perchée à laquelle il faut un temps d’adaptation peut-être. Mais calé dans l’électricité, on peut profiter de tubes imprévus pleins de cette fougue ado (le groupe est un peu plus âgé visiblement, mais on s’en fiche) : Vingtièmement, mon préféré par exemple, cavalcade stressée et pleine de fougue (on croirait entendre des Stone Roses, moins Mersey que Saint-Laurent). Si j’avais un label, je sortirais ce groupe en licence et plein d’autres groupes de Montréal en planifiant une invasion québécoise sur l’Hexagone… Mais attends…