Jessica93, 666 Tours de périph’ (Born Bad Records)

« Nique sa grosse mère »

Division ruine. On avait plus qu’une intuition que la maison de disques au coq pas sportif savait y faire quand il s’agissait de solder les comptes du passé. On ne parle pas ici des compilations rétrospectives qui jalonnent la discographie de Born Bad avec un aplomb après-nous-le-déluge, mais de cette volonté écrite à l’encre sympathique d’essayer d’encapsuler un genre plus ou moins issue de la sauvagerie et de la liberté des sous-sols punks et associés des 20 dernières années. Ce non-mouvement a fait déferler depuis Metz, disons, et sur tout le pays des hordes de groupes sans lendemain mais aux disques importants suivis par des aventures plus ou moins solo picaresques (Marietta, Usé, Ventre de Biche, Heimat, Zad Kokar, Theoreme….), avec certains déjà pris dans les filets (de sécurité).

Jessica93 / Photo : DR
Jessica93 / Photo : DR

Même si on sent le loup solitaire, Jessica93 posait sur la pochette de l’album Rise (2014) avec LA figure centrale de ce gros bordel, Noir Boy George, son poto (avec qui il (re)tourne actuellement d’ailleurs). Bref, 666 Tours de périph’ s’inscrit dans cette récupération salutaire, et finalement, savoir que ces artistes ont le droit de vieillir, de donner de la profondeur, de l’épaisseur à leurs œuvres de jeunesse, c’est pas mal. Ils ont le droit de continuer à sortir des disques, de tourner dans de meilleures conditions plutôt que de les voir faire la queue à la CAF du coin ou faire le pied de grue à France Travail, pour avoir incarné nos désirs et notre appétence pour le danger et les comportements problématiques (c’est un peu ça le rock, ne nous le cachons pas). C’est pas plus mal de les voir signer dans une franchise sérieuse (peut-être qu’il y a la queue aussi d’ailleurs) qui cumule les fonctions d’assistant social, de CDI, de conseiller d’orientation, de réinsertion ET de maison de production à leurs heures perdues…

On répète, ça n’est sans doute pas une mauvaise affaire au final, cette chasse au Pokemons punks. Jessica93, ça fonctionne en tous les cas. Revenu de passages chauds dans sa vie perso (cf. son entretien dans Gonzaï), de voyage (à La Réunion, où séjourne aussi Usé en ce moment, on le comprend), il ne s’est pas assagi et sa musique est avant tout un déferlement de riffs bourrinés sur des rythmes programmés qui doivent faire l’affaire en concert (on confirme). On ne comprend pas grand-chose aux paroles qui sont chantées en français for ze first time, tiens, même si on en saisit le sens sans vraiment les entendre et que d’après les titres on se doute qu’elles sont telles qu’espérées (ou redoutées) niveau champ lexical : 666, Crack, Florence Rey (NB : il faudrait peut-être penser à lui ficher la paix à cette femme d’ailleurs, rocker ou JAP, il faudrait choisir ?), frappe, brûlure… Un bréviaire de la souffrance qu’on retrouve quasi texto chez la jeunesse gothchique (marque déposée : gothique + »tch » soit la rencontre fortuite sur une table de dissection entre le cloud machin et la new wave Die Form, à peu près) actuelle (de Croux à Ptite Sœur), comme quoi Jessica93 est total raccord avec son époque tourmentée, derrière ses airs largués.

Pour conclure, je laisserais bien à mon estimé collègue Etienne Greib le soin de lister, s’il le désire, les origines metal du bonhomme pour agrémenter sa formule de base (« un enfant de Big Black et des Bérus ») – et en particuliers ses racines fin eighties des débuts du grunge (Tad, Melvins, Mudhoney ?), en tous les cas, ne boudons pas le plaisir de se faire passer dessus par cette locomotive tonitruante lancée à des allures stoner, lourdes, lentes, à capter des bribes de gros mots, des morceaux de phrases, des débris de bruits, noyés dans le déluge d’une guitare et d’une basse amochées mais encore bien vivantes. Champ de ruines, on vous disait.


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